Le contentieux devient économiquement rationnel
Mais la sanction indemnitaire des ententes révise cette maxime populaire, comme le souligne l'arrêt du 23 octobre 2025 de la Cour de justice.
1°) Le test en deux temps de la restriction par objet
L'arrêt de la Cour de justice de l'Union du 23 octobre 2028 explicite un test en deux temps pour qualifier une restriction par objet dans les accords de règlement pharmaceutiques où le fabricant du médicament générique reconnaît la validité du brevet.
Étape 1 Premier temps (point 64)
- Vérification si le solde net positif des transferts est intégralement justifié par :
- La compensation de frais/désagréments liés au litige (honoraires d'avocats, frais de procédure)
- La rémunération de la fourniture effective et avérée de biens ou services du génériqueur au fabricant de médicament princeps.
Étape 2 Second temps (point 65)
Ce second test n'est à mener que « si ce solde net positif des transferts n'est pas justifié ».
- Vérifier si les transferts s'expliquent uniquement par l'intérêt commercial à ne pas se faire concurrence par les mérites
- Déterminer si le solde (incluant éventuels frais justifiés) est suffisamment important pour inciter effectivement le génériqueur à renoncer à entrer sur le marché.
2°) Distinction de l'analyse par objet de l'analyse contrefactuelle
2-1 Comment apprécier l'effet sur la concurrence ?
Deux méthodes sont évoquées, une seule est appliquée.
La Cour distingue :
- Méthode contrefactuelle "par effet" = comparaison de la situation concurrentielle avec/sans l'accord pour mesurer les effets anticoncurrentiels
- Analyse "par objet" = appréciation globale pour déterminer si l'unique explication est l'évitement de la concurrence (gravité objective)
Et La Cour confirme l'analyse du Tribunal.
- Point 77 : L'analyse du Tribunal "visait à déterminer si ces clauses constituaient une incitation [...] afin de déterminer la gravité objective de la pratique concernée, et non pas à apprécier l'existence des effets anticoncurrentiels de l'accord."
- Point 78 : Le critère "n'exige pas d'apprécier, pour chaque transaction commerciale, si elle aurait effectivement été conclue [...] en l'absence de l'accord de règlement pris dans son ensemble. Ce critère vise, au contraire, à établir si [...] les transferts de valeurs s'expliquent, au final, uniquement par l'intérêt commercial des opérateurs concernés à ne pas se livrer une concurrence par les mérites."
2-2 La conséquence de l'analyse par objet
Point 68 : "Afin de déterminer si un accord peut être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il convient non pas d'analyser chacune de ses clauses de manière séparée, mais d'évaluer si cet accord, pris comme un tout, présente un degré de nocivité économique."
Point 84 : Réaffirme que l'analyse porte sur "l'accord dans son ensemble" et non sur chacune des clauses restrictives de concurrence prises séparément (ici, de non-contestation, de non-commercialisation et d'approvisionnement exclusif d'un accord de règlement amiable).
3°) Le contentieux devient économiquement rationnel !
3-1 L'explication unique de ce type d'accord litigieux
Point 67 : Les transferts de valeurs du fabricant du médicament princeps au profit du génériqueur doivent s'expliquer "uniquement" par l'intérêt à ne pas se faire concurrence.
3-2 Eviter un litige coûteux : le comportement rationnel acceptable
Face à ce partage du marché, au cœur du comportement rationnel à établir : éviter un litige coûteux.
| Option | Accord de règlement | Contentieux jusqu'au bout |
|---|---|---|
| Coût direct | Frais de négociation + montant accord | Frais de procédure (plusieurs années) |
| Risque concurrence | Amende 30M€ (30,4M€) + réputation | Aucun risque concurrentiel (a priori..) |
| Durée procédure | Rapide (quelques mois) | 3-7 ans (instances nationales + appels) |
| Issue | Certaine | Incertaine |
| Contrôle | Maîtrisé par les parties | Dépend du juge |
Pour les entreprises dont le comportement affecte le marché, le calcul économique rationnel doit intégrer le risque d'amende dans le cas d'accord de règlement
Accord de règlement :
- Économie : 2-5M€ de frais de litige
- Risque : 30M€ d'amende pour une partie à l'accord et 30,4M€ à l'autre, et + 10% du CA mondial (art. 23 Règlement 1/2003)
- Ratio risque/bénéfice : défavorable
Contentieux :
- Coût : 2-5M€ de frais
- Risque concurrence : ZÉRO
- Issue : 50% de chances de gagner (chaque entreprise selon le ou les brevets opposés modulera ce taux)
- Ratio : favorable