Arts appliqués : toujours le cumul de protection mais une approche exclusivement objective de la contrefaçon de droit d’auteur

L’arrêt du 4 décembre de la Cour de justice suscite des commentaires de nature et de ton inhabituels en cette matière. L’arrêt du 4 décembre 2025 

A priori :

      1. les deux systèmes droit d’auteur et droit des dessins et modèles poursuivent des objectifs distincts avec des critères différents (originalité vs nouveauté/caractère individuel),
      2. la protection cumulative reste possible, mais uniquement lorsque les critères respectifs de chaque régime sont remplis.

C’est la solution donnée à la contrefaçon qui retient l’attention.

Au 3°) du dispositif « pour constater une atteinte au droit d’auteur, il convient de déterminer si des éléments créatifs de l’oeuvre protégée ont été repris de manière reconnaissable dans l’objet prétendument contrefaisant ».

« Eléments créatifs » dont la Cour exclut immédiatement deux indices : « La même impression visuelle globale créée par les deux objets en conflit et le degré d’originalité de l’oeuvre concernée ne sont pas pertinents ».

 C’est ce qu’exprime aussi le point 88 « l’étendue de cette protection ne dépend pas du degré de liberté créative dont a disposé son auteur ».

Autrement dit, le « degré de liberté créative » est :

          • toujours essentiel pour la reconnaissance du droit d’auteur : « il découle de la jurisprudence que, pour qu’un objet puisse être regardé comme étant original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier» pt 49,
          • mais recentré « « Ne sont pas libres et créatifs non seulement les choix dictés par différentes contraintes […], mais également ceux qui, bien que libres, ne portent pas l’empreinte de la personnalité » ( au 2°) du Dispositif )

Comment la personnalisation de l’auteur est-elle sortie de l’appréciation de la contrefaçon pour laisser place une approche exclusivement objective ?

L’explication est aux points 71 et 72.

        • Par un renvoi aux conclusions de l’Avocat Général citant l’arrêt Cofemel du 12 septembre 2019 « …l’emploi des termes « reflète » et « manifestant » indique clairement que de tels choix ainsi que la personnalité de l’auteur doivent être visibles dans l’objet dont la protection est revendiquée» pt 71.
        • « …la nécessité d’écarter tout élément de subjectivité, nuisible à la sécurité juridique, dans le processus d’identification dudit objet suppose que ce dernier ait été exprimé d’une manière objective..» pt 72.

Autre indice du recul de la conception personnaliste du droit d’auteur : l’abandon de la création similaire indépendante au pt 73.

Ce que dit la Cour de justice : dans les deux affaires jointes Mio AB, Mio e-handel AB, Mio Försäljning AB contre Galleri Mikael & Thomas Asplund Aktiebolag (C‑580/23), et USM U. Schärer Söhne AG, contre konektra GmbH, LN (C‑795/23).

1)      La directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information,

doit être interprétée en ce sens que :

il n’existe pas de rapport de règle et d’exception entre la protection au titre du droit des dessins ou modèles et la protection au titre du droit d’auteur, de sorte que, lors de l’examen de l’originalité des objets des arts appliqués, il conviendrait d’appliquer des exigences plus élevées que celles prévues pour d’autres types d’œuvres.

2)      L’article 2, sous a), l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29

doivent être interprétés en ce sens que :

constitue une œuvre, au sens de ces dispositions, un objet qui reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de celui-ci. Ne sont pas libres et créatifs non seulement les choix dictés par différentes contraintes, notamment techniques, ayant lié cet auteur lors de la création de cet objet, mais également ceux qui, bien que libres, ne portent pas l’empreinte de la personnalité de l’auteur en donnant audit objet un aspect unique. Des circonstances telles que les intentions dudit auteur lors du processus créatif, les sources d’inspiration de celui-ci et l’utilisation de formes déjà disponibles, la possibilité d’une création similaire indépendante ou la reconnaissance du même objet par les milieux spécialisés peuvent, le cas échéant, être prises en compte, mais ne sont, en tout état de cause, ni nécessaires ni déterminantes pour établir l’originalité de l’objet dont la protection est revendiquée.

3)      L’article 2, sous a), l’article 3, paragraphe 1, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29

doivent être interprétés en ce sens que :

pour constater une atteinte au droit d’auteur, il convient de déterminer si des éléments créatifs de l’œuvre protégée ont été repris de manière reconnaissable dans l’objet prétendument contrefaisant. La même impression visuelle globale créée par les deux objets en conflit et le degré d’originalité de l’œuvre concernée ne sont pas pertinents. La possibilité d’une création similaire ne peut justifier le refus de protection.