Contrats et aménagements des délais en temps de coronavirus

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Eviter une hyper-réactivité contractuelle constitue l’objectif de l’ordonnance du 25 mars 2020 et de sa circulaire d’application du 30 mars.

L’ordonnance du 25 mars 2000 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire s’applique aux délais et mesures qui ont déjà expirés ou qui vont expirer. Même si certaines mesures pénales ou privatives de liberté et si certains acteurs financiers en sont exclus, ses dispositions affectent tous les domaines y compris les mesures administratives et juridictionnelles.

La circulaire du 30 mars apporte un nouvel éclairage sur l’application de cette ordonnance à différentes clauses contractuelles. Attention toutefois, pour chaque contrat, à vérifier si des mesures spécifiques à l’activité concernée n’ont pas été prises, par exemple l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises ou qui peuvent modifiées la situation des droits contractualisés à la suite d’une décision de l’autorité administrative comme celle de l’INPI sur les délais applicables et leur computation.

1°) « La période juridiquement protégée »

Les événements contractuels à prendre en compte sont intervenus ou vont intervenir entre deux dates.

  • Borne inférieure : le 12 mars 2020.
  • Date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, actuellement prévu jusqu’au 24 mai 2020
  • Borne supérieure : la date de cessation d’état d’urgence sanitaire plus un mois, a priori le 24 juin 2020.

Le temps écoulé entre ces deux bornes constitue « la période juridiquement protégée ».

2° ) Clause de résiliation et clause de reconduction

L’article 5 précise que si la date limite pour résilier un contrat ou pour s’opposer à sa reconduction intervient sur « la période juridiquement protégée », leur date limite est reportée de deux mois après la fin de cette période.

La circulaire illustre ces clauses par deux exemples.

  • Pour un contrat conclu le 25 avril 2019 d’une durée d’un an avec une clause de renouvellement automatique sauf dénonciation d’une partie au plus tard un mois avant son échéance. Le 25 mars, date limite pour la demande de résiliation contractuelle, étant inclus dans « la période juridiquement protégée », l’une ou l’autre des parties pourra résilier le contrat dans les trois mois qui suivront la fin de l’état d’urgence.
  • Situation d’un contrat d’assurance qui ouvre à chaque partie la faculté de résiliation dans un délai de 3 mois après la survenance d’un événement. Si cet événement a eu lieu le 20 décembre 2019, le terme du délai de résiliation expirant contractuellement au 20 mars, se trouve repoussé au terme des trois mois qui suivront la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Ce dernier exemple souligne que des événements bien que réalisés hors de la période (événement du 20 décembre 2019) peuvent voir leurs conséquences contractuelles modifiées par l’ordonnance.

3°) Clause de paiement

Comme l’article 2 de l’ordonnance ne prévoit la possibilité de reporter que « tout paiement prescrit par la loi ou le règlement »,  la circulaire précise que « le paiement des obligations contractuelles n’est pas suspendue pendant la période juridiquement protégée ».

4 °) Autres délais contractuels

Pour la circulaire, « les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés «, et de citer à titre d’exemple « le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité de celle-ci, et qui expire durant la période juridiquement protégée n’est pas prorogé. ».

Attention toutefois à ne pas confondre délai contractuel et délai légal.  L’article L142-4 du Code de commerce prévoit son inscription sous peine de nullité dans les 30 jours suivant l’acte constitutif. Si la fin de ces 30 jours intervient dans « la période juridiquement protégée », ce délai bénéficiera du report de l’article 2 au terme de la période juridiquement protégée majorée de 30 jours.

Mais soumettre ces clauses contractuelles aux seules règles de droit commun comme l’imprévisibilité ou la force majeure, aurait créé une hyper-réactivité contractuelle néfaste au corps économique.

L’ordonnance a donc paralysé les effets d’autres clauses contractuelles, des décisions de justice et des mesures d’exécution tout en conservant les droits des bénéficiaires des obligations.

5°) Clauses de sanctions contractuelles

L’article 4 prévoit une paralysie de différentes clauses indépendamment de leur qualification par les parties « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période ». Ces clauses sont également privées d’effets si le débiteur exécute son obligation avant le terme de « la période juridiquement protégée » majorée d’un mois.

En l’absence de cette exécution, le créancier retrouve le bénéfice de sa clause sans que ne lui soit opposé l’écoulement du temps intervenu pendant « la période juridiquement protégée » majorée d’un mois.  A ce terme, ces clauses reprennent leur force et leur durée contractuelle.

L’ordonnance prévoit également que cette suspension pendant toute « la période juridiquement protégée » s’applique aux astreintes et aux clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars, mais sans préciser si l’exécution de l’obligation par le débiteur pendant cette période anéanti l’effet de ces clauses.

6°) Décisions de justice et mesures d ‘exécution légales

Sans entre dans une casuistique excessive, tant seraient variées les hypothèses, limitons-nous ici à quelques principes tels qu’ils peuvent apparaître à une première lecture de l’ordonnance et de la circulaire. Le bénéficiaire de la clause contractuelle a pu obtenir une décision de justice, elle se trouve suspendue par la paralysie de la clause comme il a été dit ci-dessus. En application de l’article 3, certaines mesures judiciaires se voient prorogées jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après « la période juridiquement prorogée ». Enfin, s’agissant d’une décision condamnant à un paiement au regard de dispositions légales, l’exigibilité de son paiement serait probablement reportée dans les limites de l’article 2.

A noter, ce régime des mesures d’exécution légales se distinguent de celui des sanctions contractuelles. Leur durée initiale n’est pas reconduite après la fin de « la période juridiquement protégée », elle est limitée soit à leur délai initial s’il était inférieur à deux mois soit à deux mois s’il était supérieur à deux mois. Ainsi, s’agissant de prescription quinquennale, la circulaire indique que pour une créance exigible depuis le  20 mars 2015, et qui serait prescrite le 20 mars 2020, c’est-à-dire pendant « la période juridiquement protégée », le demandeur pourra agir dans le délai de deux mois après la fin « la période juridiquement protégée » et non à nouveau pour cinq ans.

Reste à savoir si « la période juridiquement protégée » sera suffisante quand elle ne prévoit qu’un mois après la fin de l’état d’urgence, pour que les débiteurs exécutent leurs obligations contractuelles.