Opposition à brevet : nouvelle requête en modification devant la Cour d’appel

Modification de brevet en appel : précisions jurisprudentielles de la Cour de Paris

Modification du brevet en appel : précisions de la Cour de Paris

Par son arrêt du 26 septembre 2026, RG 23/06726, la Cour de Paris précise les conditions d'examen d'une requête en modification de brevet lors de l'appel de la décision de l'INPI dans la procédure d'opposition, et confirme ses deux précédentes décisions du 29 mai 2024, RG 22/12421, et du 4 juillet 2025, RG 23/16553.

Précisions terminologiques entre annulation, réformation et révocation qui seraient sans incidence. En cas d'appel d'une décision du Directeur général de l'INPI sur une opposition à la délivrance d'un brevet français, la Cour d'appel est saisie d'un recours en réformation et se voit déférer la connaissance de l'entier litige ;

« La seule erreur constituant à qualifier dans le dispositif la demande comme tendant à l'annulation de la décision, et non à sa réformation, n'est pas de nature à rendre le recours irrecevable, pas plus que la demande en révocation du brevet formée par la société … »

(Cour d'appel de Paris 26 septembre 2025)

I. L'IRRECEVABILITÉ DE PRINCIPE DES NOUVELLES REQUÊTES

1.1. Fondement textuel : L'article R.411-38 du Code de la propriété intellectuelle

L'article R.411-38 du CPI établit le cadre procédural stricte applicable aux recours en réformation devant la Cour d'appel :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait."

L'arrêt du 26 septembre confirme la position exprimée le 4 juillet 2025.

La possibilité pour le titulaire du brevet de présenter de nouvelles requêtes en modification de son brevet devant la Cour est fortement limitée, car ces requêtes sont considérées comme des prétentions nouvelles.

« …que le fait que l'entier litige soit dévolu à la cour ne lui confère pas le pouvoir juridictionnel de connaître de nouvelles requêtes en modification des revendications non soumises à l'INPI ; que la cour ne peut évoquer pour trancher des demandes non soumises à l'appréciation de la commission d'opposition, les modifications des revendications n'étant possibles qu'au cours de la procédure d'opposition ; que les requêtes nouvelles soumises à la cour pouvaient être présentées devant la commission d'opposition ; que les requêtes nouvelles ne sont ni des moyens, ni des prétentions tendant aux mêmes fins que celles présentées devant l'INPI, ces requêtes constituant des prétentions portant sur des demandes de protection différentes ; »

(Cour d'appel de Paris, 4 juillet 2025)

1.2. Distinction fondamentale : Moyens nouveaux vs. Prétentions nouvelles

La Cour distingue rigoureusement :

  • Les moyens nouveaux (arguments, éléments de preuve) : recevables
  • Les prétentions nouvelles (nouvelles requêtes en modification) : irrecevables sauf exceptions

C'est l'enseignement de l'arrêt du 4 juillet 2025 :

"Des requêtes formulées pour la première fois à hauteur d'appel afin que le brevet soit maintenu sous une forme modifiée ne peuvent s'analyser en des moyens nouveaux, dès lors qu'elles tendent à modifier les revendications du brevet."

Également à l'arrêt du 26 septembre 2025 :

« Une requête formulée pour la première fois à hauteur d'appel afin que le brevet soit maintenu sous une forme modifiée ne peut s'analyser en un moyen nouveau, dès lors qu'elle tend à modifier les revendications du brevet. Elle s'analyse en une prétention qui ne peut tendre aux mêmes fins que celles soumises au directeur général de l'INPI puisqu'elle ne vise pas l'obtention de la même protection que celles des revendications découlant des requêtes déposées devant la commission d'opposition de l'INPI ».

II. CRITÈRES DE RECEVABILITÉ

2.1. Test des "mêmes fins"

Principe : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au directeur général de l'institut national de propriété industrielle, même si leur fondement juridique est différent » (Cour de Paris 26 septembre 2025).

S'agissant des revendications, ce test serait à conduire pour chacune séparement. Chaque jeu de revendications modifié définit un périmètre de protection différent, constituant donc une prétention nouvelle

"Elle s'analyse en une prétention qui ne peut tendre aux mêmes fins que celles soumises au directeur général de l'INPI puisqu'elle ne vise pas l'obtention de la même protection que celles des revendications découlant des requêtes déposées devant la commission d'opposition de l'INPI."

(Cour de Paris 26 septembre 2025)

2.2. Inapplicabilité de l'article L.613-23-3 du CPI en appel

Rappel constant de la jurisprudence : L'article L.613-23-3 CPI, qui permet les modifications "au cours de la procédure d'opposition", ne s'applique qu'à la procédure devant l'INPI, non au recours en appel.

Arrêt du 4 juillet 2025 :

"Cette disposition ne concerne que la procédure d'opposition pendante devant l'INPI et n'est pas applicable à la procédure de recours devant la cour d'appel contre la décision statuant sur l'opposition."

Dans le même sens, le 26 septembre 2025 :

« Si, aux termes de l'article L613-23-3 du Code de la propriété intellectuelle, « Au cours de la procédure d'opposition, le titulaire du brevet contesté peut modifier les revendications de ce brevet sous réserve que (…) », cette disposition ne concerne que la procédure d'opposition pendante devant l'INPI et n'est pas applicable à la procédure de recours devant la cour d'appel contre la décision statuant sur l'opposition »

III. DES EXCEPTIONS TRÈS LIMITÉES

3.1. Exception n°1 : Intervention d'un tiers

Conditions : Intervention d'un tiers modifiant l'économie du litige et justifiant de nouvelles modifications défensives.

Simplement évoquée ici, cette situation n'est pas illustrée par les arrêts examinés.

3.2. Exception n°2 : Survenance ou révélation d'un fait

Interprétation stricte de la jurisprudence :

Arrêt du 4 juillet 2025 : L'invocation par l'INPI d'un motif de "généralisation intermédiaire" non retenu en première instance ne constitue pas un fait nouveau car il était dans le débat administratif.

Arrêt du 26 septembre 2025 : La production de nouveaux documents d'art antérieur devant la Cour d'appel ne constitue pas un fait nouveau justifiant de nouvelles requêtes, car :

"Les nouveaux documents opposés ne peuvent être qualifiés de nouveaux faits puisqu'ils préexistaient à la demande de brevet et qu'au moment de la rédaction du brevet, ils pouvaient être pris en compte."

3.3. Exception n°3 : Requêtes déjà soumises à l'INPI

Principe de recevabilité automatique : Les requêtes subsidiaires déjà présentées devant l'INPI demeurent toujours recevables en appel (Arrêt du 26 septembre 2025).

IV. LES MODIFICATIONS TARDIVES DEVANT L'INPI

4.1. Fondement : Article R.613-44-7 du CPI

L'arrêt du 29 mai 2024 reconnaît une exception notable concernant les modifications présentées tardivement devant l'INPI mais dans le respect du contradictoire.

Conditions cumulatives telles qu'elles peuvent être comprises à cet arrêt :

  1. Modification présentée lors de la phase orale devant l'INPI
  2. Respect du principe du contradictoire
  3. A priori que pour des modifications mineures (corrections d'erreurs, ajustements techniques)
  4. Accord ou absence d'objection des parties

L'extrait en cause de l'arrêt :

« En l'espèce, c'est sans excéder ses pouvoirs, et sans porter atteinte au droit à un procès équitable, que le président de la commission d'opposition de l'INPI, après que les parties ont débattu contradictoirement de deux points soulevés par l'opposant relatifs à la requête principale concernant le terme « inférieure » accordé au féminin dans la caractéristique 1.3.1 de la revendication 1 et le terme « angle fi » de la revendication 3, la société ….ayant répondu qu'il s'agissait d'une erreur orthographique pour le premier et d'une erreur typographique lors de la transcription en Word pour le second, a demandé au titulaire s'il serait prêt à déposer une nouvelle requête dans laquelle les erreurs seraient corrigées, a demandé son avis à l'opposant sur ce point, a annexé la nouvelle requête au procès-verbal, a rappelé que cette nouvelle requête correspond à la requête principale avec pour seules différences la suppression du « e » dans le mot inférieure de la revendication 1 et le remplacement de « fi » par «' » dans la revendication 3, chaque partie confirmant, à la demande du président de la commission, que le contradictoire a bien été respecté et ce dernier concluant que la requête est admissible et qu'elle remplace la requête principale ». »

(Arrêt du 29 mai 2024)

4.2. Interprétation extensive de l'article R.613-44-7

La Cour admet que le terme "pièces produites" englobe un jeu de revendications modifié, permettant des modifications même après expiration des délais formels.

Là aussi, il est nécessaire de se reporter à la citation exacte de cet arrêt :

"Le terme « pièces » doit être interprété comme pouvant recouvrir un jeu de revendications modifié du brevet, au regard, d'une part, de l'article R. 613-44-4 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « Toute observation ou pièce dont il est saisi par l'une des parties est notifiée sans délai aux autres », une proposition de modification du brevet étant notifiée aux autres parties sur le fondement de cet article à titre de pièce, d'autre part, de l'article R. 612-36 du même code, qui prévoit que « le demandeur peut demander la rectification des fautes d'expression ou de transcription ainsi que des erreurs matérielles relevées dans les pièces déposées » dans lequel le terme « pièces » désigne notamment un jeu de revendications modifié du brevet."

(Arrêt du 29 mai 2024)

A chaque usager des brevets selon sa position d'en tirer les avantages qu'il convient.

Références jurisprudentielles

Cour d'Appel de Paris, 26 septembre 2025, RG23/06726
Accéder à la décision

Cour d'Appel de Paris, 4 juillet 2025, RG23/16533
Accéder à la décision

Cour d'Appel de Paris, 29 mai 2024, RG22/12421
Accéder à la décision