Assurance et contrefaçon

A priori la contrefaçon étant un délit pénal, l’assurance n’a rien à y faire. Une réponse si rapide écarte complètement la question de l’assurance appliquée à la contrefaçon. Pourtant, cette question est bien réelle.

Quelle entreprise en effet, n’a pas souhaité se prémunir de l’atteinte à ses propriétés dans lesquelles se trouvent les droits de propriété industrielle. En forçant l’analogie,  les entreprises souscrivent des assurances contre le vol, pourquoi n’en auraient-elles pas contre cette forme particulière de vol que constitue la contrefaçon ?

Se prémunir du vol d’un bien immatériel, voilà notre propos sur assurance et contrefaçon.

  • Première situation à examiner : l’entreprise victime de la contrefaçon.

Quelques situations pratiques. L’entreprise voit l’utilisation sans son accord de sa marque ou d’un signe l’imitant, des produits apparaissent sur le marché et portent atteinte aux revendications de son principal brevet. Ou encore l’aspect d’objets commercialisés par des tiers laisse la même impression visuelle d’ensemble que celle du modèle que détient l’entreprise.

La contrefaçon des droits de propriété industrielle,  – les plus fréquents brevet, marque , modèle et la liste est longue -, expose l’entreprise victime à différents coûts financiers.

Premier coût financier : la perte de revenus. Il peut s’agir de la perte de redevances que l’entreprise aurait pu percevoir si elle avait accordé une licence d’exploitation de son droit de propriété industrielle. Mais la contrefaçon peut avoir un impact plus lourd encore en diminuant de manière drastique le chiffre d’affaires de l’entreprise, ce sera par exemple le cas quand les produits ou les services sous la marque contrefaite seront accessibles sur le marché où intervient l’entreprise mais à moindre prix,  les produits contrefaits n’ayant pas à supporter les frais de lancement et de publicité, et les frais de recherche et développement du produit commercialisé sous la marque authentique.

L’impact de la contrefaçon se traduira par conséquent, pour le titulaire des droits dans un premier temps par une perte de revenus de son exploitation, – attention cette perte peut être lourde de conséquences quand le principal produit de l’entreprise est en cause -,  mais l’impact de la contrefaçon ne s’arrête pas là. Si la contrefaçon persiste, c’est la valeur même de l’actif de l’entreprise qui se trouvera dépréciée, situation particulièrement perceptible quand ce droit de propriété industrielle figure au bilan de l’entreprise. À noter également,  la  situation particulière de l’entreprise qui assemble des composants de différentes origines pour les intégrer dans ses propres produits, et dont certains se révèlent après coup non conformes car contrefaisants, cette situation affectera les garanties que l’entreprise accorde à ses propres clients, c’est un effet juridique en cascade de la contrefaçon qui affecte le périmètre de l’assurance de l’entreprise victime de contrefaçon.

Second coût financier pour l’entreprise : la mise en œuvre de l’action pour faire cesser la contrefaçon, obtenir la reconnaissance des droits de propriété industrielle de l’entreprise et obtenir l’indemnisation du préjudice subi. Les coûts financiers à exposer notamment ceux des avocats dépendent de la nature du droit en cause marque, modèle ou brevet pour les plus fréquents, mais aussi de l’étendue territoriale de la contrefaçon, – faut-il multiplier les procédures dans différents pays ? -,  et enfin de la complexité technique en particulier en matière de brevet, et des expertises techniques qui peuvent être requises.

D’ailleurs certaines entreprises analysent les frais de dépôt, d’enregistrement et de maintien des droits de propriété industrielle  comme des coûts pour couvrir le risque d’empiètement sur leur propre marché, autrement dit les droits de propriété industrielle et l’ assurance auraient la même finalité ! Avec une telle analyse des droits de propriété industrielle, préalablement à la souscription du contrat d’assurance, la Cie d’assurance auditera le portefeuille des droits de propriété industrielle et la compliance en la matière de l’entreprise

Se devine aisément que selon les activités des entreprises – pharmacie, véhicule, électro-ménager, alimentaires, ventes au public- ,  et la nature des droits où elles évoluent, se prémunir des risques de la contrefaçon va au-delà de la couverture classique du risque de perte d’exploitation.

  • Seconde situation : l’entreprise risque de porter atteinte aux droits de propriété industrielle d’autrui.

La situation inverse est encore plus délicate, celle où l’activité de l’entreprise risque ou porte atteinte à des droits de propriété industrielle ou intellectuelle appartenant à des tiers. Rappelons en effet que de nombreuses activités en particulier dans le domaine de l’innovation, de la création – à l’inverse si vous commercialisez toujours le même produit depuis plus de 30 ans …..-  , et de la communication qui sont par nature tournées vers l’extérieur de l’entreprise, présentent ce risque, l’innovation étant aujourd’hui une valeur mondialement partagée, il est quelques fois difficile sans de longs et onéreux débats judiciaires de déterminer qui est le premier créateur ou inventeur ou titulaire légitime du droit . Également ce risque est sensible pour une entreprise qui importe pour revendre ensuite sur un autre territoire.  

L’ entreprise est alors confrontée à une évaluation du risque de contrefaire,  et à l’évaluation de l’action en contrefaçon qui pourrait être engagée contre elle. Là aussi, les principales variables dépendent de la nature du droit en cause, de la tension socio-économique du marché où elle évolue, et de la disponibilité des avocats et des juridictions .  Disons le tout de suite,  la recherche des antériorités gênantes en matière de marque n’est en rien comparable avec la nécessité d’examiner plusieurs brevets.

 Mais la notion d’assurance trouve ici un écho particulier car l’entreprise exposée à ce risque de contrefaire peut-elle demander à son assurance de couvrir la cessation de l’activité qu’elle entrevoit litigieuse ou qu’elle accepterait après réclamation du tiers titulaire du droit antérieur, ou seulement aux indemnités judiciaires après épuisement de toutes les voies de recours ? Ou bien la couverture du risque devra-t-elle se limiter à la prise en charge des frais de contentieux ? Notons immédiatement qu’avec la multiplication des procédures devant les offices de propriété industrielle,  une telle clause ne se limitera donc pas aux seuls contentieux judiciaires.