Une législation nationale peut-elle interdire la diffusion mondiale d’une information que son juge qualifie d’illicite car diffamatoire ?

Le 3 octobre 2019, la Cour de justice où il était question d’allégations diffusées sur Facebook, indique que ces informations quand elles sont qualifiées d’atteintes portées à l’honneur peuvent être interdites par un juge national sur l’ensemble du réseau. Mais attention, il ne s’agit pas de voir dans cette décision une obligation à la charge des réseaux sociaux de surveiller les informations. L’arrêt est là

La Cour rappelle sur ce point l’article 15 de cette directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »)

« Les États membres ne doivent pas imposer aux prestataires, pour la fourniture des services visée aux articles 12, 13 et 14, une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites. »

Le contrôle des contenus qualifiés d’illicites appartient dans cette affaire au juge en application de l’article 18, paragraphe 1, de cette directive :

« Les États membres veillent à ce que les recours juridictionnels disponibles dans le droit national portant sur les activités des services de la société de l’information permettent l’adoption rapide de mesures, y compris par voie de référé, visant à mettre un terme à toute violation alléguée et à prévenir toute nouvelle atteinte aux intérêts concernés. »

Classiquement le juge se prononce sur un message diffusé par un utilisateur, l’arrêt du 3 octobre ne s’oppose pas à ce qu’un juge national étende l’interdiction à ceux qui reprennent le message

 36      Étant donné qu’un réseau social facilite la transmission rapide des informations stockées par l’hébergeur entre ses différents utilisateurs, il existe un risque réel de voir une information ayant été qualifiée d’illicite être ultérieurement reproduite et partagée par un autre utilisateur de ce réseau.:

Cet arrêt admet que soient également interdits par le juge des messages  équivalents :

45      Eu égard à ce qui précède, il importe que les informations équivalentes auxquelles se réfère …..  comportent des éléments spécifiques dûment identifiés par l’auteur de l’injonction, tels que le nom de la personne concernée par la violation constatée précédemment, les circonstances dans lesquelles cette violation a été constatée ainsi qu’un contenu équivalent à celui qui a été déclaré illicite. Des différences dans la formulation de ce contenu équivalent, par rapport au contenu déclaré illicite, ne doivent pas, en tout état de cause, être de nature à contraindre l’hébergeur concerné à procéder à une appréciation autonome dudit contenu.

Ce que dit la Cour :

La directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »), notamment l’article 15, paragraphe 1, de celle-ci, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse :

–        enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est identique à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celles-ci, quel que soit l’auteur de la demande de stockage de ces informations ;

–        enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations qu’il stocke et dont le contenu est équivalent à celui d’une information déclarée illicite précédemment ou de bloquer l’accès à celles-ci, pour autant que la surveillance et la recherche des informations concernées par une telle injonction sont limitées à des informations véhiculant un message dont le contenu demeure, en substance, inchangé par rapport à celui ayant donné lieu au constat d’illicéité et comportant les éléments spécifiés dans l’injonction et que les différences dans la formulation de ce contenu équivalent par rapport à celle caractérisant l’information déclarée illicite précédemment ne sont pas de nature à contraindre l’hébergeur à procéder à une appréciation autonome de ce contenu, et

–        enjoindre à un hébergeur de supprimer les informations visées par l’injonction ou de bloquer l’accès à celles-ci au niveau mondial, dans le cadre du droit international pertinent.