Cadre Juridique des Brevets sur l'ADN Ancien

Cadre Juridique des Brevets sur l'ADN

Analyse des décisions majeures et des évolutions réglementaires concernant la brevetabilité du génome et des OGM

La brevetabilité de l'ADN et du génome en question

La question de la brevetabilité des éléments du vivant, en particulier l'ADN et les séquences génomiques, a connu des évolutions juridiques majeures ces dernières années, tant en Europe qu'aux États-Unis. Les décisions des cours de justice et des offices de brevets ont progressivement défini les contours de ce qui peut ou non faire l'objet d'une protection par brevet dans le domaine biotechnologique.

Ces décisions ont des implications considérables pour la recherche scientifique, l'industrie pharmaceutique, l'agriculture et la conservation de la biodiversité. Elles touchent également aux questions éthiques fondamentales concernant l'appropriation du vivant et la protection des ressources génétiques.

Points clés à retenir

  • L'ADN isolé n'est pas brevetable aux États-Unis depuis la décision Myriad Genetics (2013)
  • L'OEB a suspendu l'examen des brevets sur les organismes issus de procédés essentiellement biologiques
  • Les inventions nécessitant la destruction d'embryons humains sont exclues de la brevetabilité
  • Les produits contenant des OGM sont soumis à des réglementations strictes indépendamment du seuil de présence
  • La protection des ressources génétiques et des savoirs traditionnels est devenue une priorité internationale

Décisions juridiques majeures

L'OEB suspend l'examen des demandes de brevet relatives à la brevetabilité du vivant

24 novembre 2016

Office Européen des Brevets

L'OEB annonce la suspension de procédures d'examen de toutes les procédures devant les divisions d'examen et d'opposition de l'OEB dont l'issue dépend entièrement de la question de la brevetabilité d'un végétal ou d'un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique.

Cette décision fait suite à l'avis de la Commission du 3 novembre 2016. La motivation de cette décision repose sur la nécessité de préserver l'uniformité du droit européen des brevets harmonisé.

En 1999, les États membres de l'Organisation européenne des brevets ont décidé de mettre en œuvre la directive en modifiant le règlement d'exécution de la CBE. L'objectif était d'adapter la CBE aux dispositions de la directive en raison de la nécessité de préserver l'uniformité du droit européen des brevets harmonisé.

L'ADN isolé n'est pas brevetable

13 juin 2013

Cour Suprême des États-Unis

La Cour Suprême des États-Unis d'Amérique du Nord déclare que l'ADN isolé n'est pas brevetable dans l'affaire Association for Molecular Pathology v Myriad Genetics.

L'identification des gènes et leur isolation au sein des séquences d'acides nucléiques naturels ne sont donc plus brevetables aux Etats-Unis.

Le même jour, l'USPTO (United States Patent and Trademark Office) a annoncé modifier sa pratique pour se conformer à cette décision historique.

"L'ADN est un produit de la nature et n'est pas brevetable simplement parce qu'il a été isolé."
- Cour Suprême des États-Unis

Arrêt Brüstle contre Greenpeace

18 octobre 2011

Cour de Justice de l'Union Européenne

Cet arrêt important concerne l'exclusion de la brevetabilité de certaines inventions impliquant l'utilisation d'embryons humains.

La CJUE a statué que tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un «embryon humain» au sens de l'article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE, dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d'un être humain.

Cette exclusion s'applique également aux inventions utilisées à des fins de recherche et porte sur des inventions qui nécessitent bien en amont la destruction de telles cellules.

"Une invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité, même si les revendications du brevet ne portent pas sur l'utilisation d'embryons humains, dès lors que la mise en œuvre de l'invention requiert la destruction d'embryons humains."

Cette décision a eu un impact majeur sur la recherche sur les cellules souches en Europe.

Pour consulter l'arrêt complet : C-34/10, Oliver Brüstle contre Greenpeace eV

Affaire Bablok (Miel contaminé par du pollen OGM)

6 septembre 2011

Cour de Justice de l'Union Européenne

M. Bablok, apiculteur en Allemagne, constate que son miel contient des traces de pollen provenant de maïs MON 810 cultivé à proximité de ses ruches.

La Cour a jugé que les produits comme le miel contenant du pollen OGM doivent être considérés comme "des denrées alimentaires contenant des ingrédients produits à partir d'OGM" et sont soumis à autorisation.

L'enjeu de cet arrêt va bien au-delà des 11 000 Euros demandés par l'apiculteur, puisque la Cour refuse pour ce miel l'application des seuils de tolérance habituellement prévus pour l'étiquetage des OGM.

"En ce qui concerne l'obligation d'autorisation et de surveillance, un seuil de tolérance tel que celui prévu en matière d'étiquetage ne peut pas être appliqué."

Pour consulter l'arrêt complet : C-442/09, Bablok

Arrêt Monsanto

6 juillet 2010

Cour de Justice de l'Union Européenne

La CJUE statue que le brevet de Monsanto portant sur les semences génétiquement modifiées ne s'applique pas au tourteau de soja qui est un produit obtenu après plusieurs traitements de la plante transgénique et dont la fabrication n'utilise pas la propriété brevetée de résistance à un herbicide.

Cette décision limite considérablement la portée des brevets sur les OGM en Europe.

Pour consulter l'arrêt complet : C-428/08, Monsanto

Affaire Kokopelli (Variétés anciennes)

12 juillet 2012

Cour de Justice de l'Union Européenne

Cette affaire concerne la commercialisation des graines et des semences des variétés anciennes par Kokopelli, une association qui vend des semences de variétés potagères et florales anciennes ne figurant ni sur le catalogue français ni sur le catalogue commun.

La Cour a considéré que les directives 2002/55/CE et 2009/145 prennent en compte les intérêts économiques des opérateurs tels que Kokopelli en ce qu'elles n'excluent pas la commercialisation des "variétés anciennes".

La Cour a également estimé que les restrictions imposées aux variétés anciennes s'inscrivent dans le contexte légitime de la conservation des ressources phytogénétiques.

Ressources génétiques et savoirs traditionnels

1er octobre 2012

Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle

Le Directeur Général de l'OMPI a fixé comme priorité "l'élaboration d'un instrument international sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et les expressions culturelles traditionnelles".

Cette initiative s'inscrit dans le cadre plus large du Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation à la Convention sur la diversité biologique.

Le Protocole de Nagoya vise à créer une plus grande sécurité juridique et une transparence accrue pour les fournisseurs et les utilisateurs de ressources génétiques.

Pour consulter le texte du Protocole : Protocole de Nagoya

Implications et conséquences pratiques

Pour la recherche scientifique

  • Accès facilité aux séquences génétiques naturelles
  • Nécessité de développer des inventions allant au-delà de la simple isolation
  • Restrictions sur la recherche impliquant des embryons humains
  • Développement de méthodes alternatives pour les recherches sur cellules souches

Pour l'industrie biotechnologique

  • Stratégies de protection intellectuelle à repenser
  • Focalisation sur les applications plutôt que sur les séquences
  • Exigences accrues de traçabilité pour les produits contenant des OGM
  • Coûts supplémentaires pour éviter la contamination croisée

Pour la biodiversité

  • Protection renforcée des ressources phytogénétiques
  • Encouragement à la conservation des variétés anciennes
  • Reconnaissance des savoirs traditionnels
  • Mécanismes de partage des avantages issus de l'exploitation des ressources génétiques

Questions juridiques fondamentales

Définition de l'invention vs. découverte

La distinction entre invention brevetable et simple découverte non brevetable reste au cœur des débats juridiques concernant l'ADN. L'arrêt Myriad Genetics aux États-Unis a clairement statué que l'ADN isolé relève de la découverte, tandis que l'ADN complémentaire synthétisé en laboratoire peut constituer une invention brevetable.

Étendue de la protection des brevets

L'arrêt Monsanto a défini des limites importantes à l'étendue de la protection conférée par les brevets sur les séquences d'ADN. La protection ne s'étend pas aux produits dérivés dans lesquels la fonction brevetée n'est plus active, ce qui limite considérablement la portée des brevets biotechnologiques.

Exclusions éthiques à la brevetabilité

L'affaire Brüstle a confirmé l'exclusion de la brevetabilité des inventions impliquant la destruction d'embryons humains, même lorsque cette destruction n'est pas mentionnée dans les revendications du brevet. Cette décision reflète les considérations éthiques importantes qui limitent la brevetabilité dans le domaine biotechnologique.

Régimes différenciés pour les variétés végétales

L'affaire Kokopelli a confirmé la légitimité de régimes différenciés pour les variétés standard et de conservation (variétés anciennes). Ces approches différenciées visent à préserver la biodiversité tout en permettant le développement de l'agriculture moderne.

Ressources complémentaires

Arrêts majeurs

2006-2017. Avant toute mise en œuvre, ce document doit être réactualisé.