Quelle origine au sens de la convention de Rio faudrait-il indiquer dans une demande de brevet

Lutte contre le biopiratage, respect des savoir traditionnels constituent des objectifs de la Convention de Rio du 22 mai 1992 et du Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ( TI-RPGAA) du 6 juin 2002, que les  titulaires des brevets doivent respecter ;

L’origine géographiques de la matière vivante est au coeur de ces problématiques à priori contradictoires, le partage juste et équitable de la diversité biologique et le monopole conféré par le brevet ;

Quelle origine géographique le déposant doit-il indiquer dans la demande de brevet ?

L’étude de Philippe Schmitt ci-dessous a été publiée dans la revue Propriété Industrielle d’octobre 2006, elle  présente une typologie des différentes solutions

Quelle origine au sens de la Convention sur la diversité biologique faudrait-il indiquer dans une demande de brevet ?

Au regard des objectifs de la Convention de Rio différentes initiatives ont proposé de modifier les règles du commerce international ou les traités internationaux propres au droit des brevets pour rendre obligatoire la divulgation de l’origine des ressources dans les brevets de biotechnologie. Même si la France n’a pas transposé la directive 98/44/CE qui avait laissé ce point à la discrétion des Etats, le déposant français doit déjà se préparer à cette nouvelle exigence.

La demande de brevet qui porte sur la matière biologique d’origine végétale ou animale ou qui utilise une telle matière, devrait, le cas échéant comporter une information géographique concernant le lieu géographique d’origine de cette matière si celui-ci est connu[1]. Cette disposition de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 était non seulement facultative mais elle était immédiatement tempérée par la précision qu’elle ne pouvait pas affecter « l’examen des demandes de brevets et la validité des droits résultant des brevets délivrés »[2].

Aucune des deux lois françaises[3] de transposition de la directive n’ont prévu l’indication de l’origine géographique dans une demande de brevet.

Pourtant l’origine géographique de la matière biologique sur laquelle se fonde un brevet est aujourd’hui au cœur des débats relatifs à la biodiversité dont la Convention sur la diversité biologique ( CDB) a été emblématique de la prise de conscience et pour laquelle le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (le Traité[4]) a montré une approche sectorielle dans deux domaines essentiels l’agriculture et l’alimentation. La CDP[5] et le Traité[6] ont tous deux été ratifiés par la France.

L’appropriation privative au bénéfice d’une seule personne privée qu’accorde le brevet peut en effet apparaître comme contradictoire avec l’un des objectifs essentiels de la Convention sur la diversité biologique à savoir le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l’exploitation des ressources génétiques.

Parallèlement aux travaux dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique qui ont abouti notamment à partir de la réunion intergouvernementale d’octobre 2001 aux « lignes directrices de Bonn»[7], différents Etats dans le cadre du cycle de négociations initiées à Doha ont souhaité modifier l’accord sur les ADPIC ;

Il apparaissait en effet, comme un pendant à la généralisation de la brevetabilité et en particulier de celle du matériel génétique posé par l’article 27 des accords ADPIC que l’appropriation privative qui en résulterait, ne respecterait ni l’exigence de consentement préalable[8] de l’Etat d’origine des ressources génétiques ni là aussi le partage « juste et équitable » de ces avantages.

Face à l’hostilité des États-Unis contre toute nouvelle exigence de divulgation qui risquerait de bouleverser les activités de recherche-développement et qui ne se sont montrés favorables qu’à un système de contractualisation entre les Etats et les entreprises pour l’accès aux ressources génétiques[9], et compte tenu de l’attente de différents Etats tels que l’Inde, le Pakistan ou le Brésil[10], la Suisse par un projet de modification du traité PCT[11] et l’Union européenne en mai 2005 dans le cadre de l’OMPI[12] ont proposé un caractère contraignant à l’obligation de divulgation de l’origine dans les demandes de brevets.

Depuis, de nombreux Etats se préparent à intégrer dans leur législation nationale sur les brevets l’indication de l’origine géographique, certains[13] l’ont déjà fait. Parmi les Etats européens, il faut citer l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Suède et l’Italie.

Deux questions se posent alors au déposant de brevet: quelles inventions sont concernées et quelle origine indiquer.

1 Quelles inventions sont concernées ?

À se reporter aux objectifs de la Convention, ce sont les inventions « découlant de l’exploitation des ressources génétiques »[14], ce qui n’est pas sans rappeler une notion du droit des brevets ;

La Convention de Munich et le Code de la Propriété Intellectuelle conditionnent en effet, l’activité inventive à ce que l’invention « ne découle pas »[15] de manière évidente à la date du dépôt de la demande de brevet de l’état de la technique ;

Mais les référentiels en cause sont différents. Pour les ressources génétiques dont il est question dans la CDB, peu importe qu’elles soient ou non rendues accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen[16]. Si elles l’ont été, leur appartenance à l’état de la technique aura certes une conséquence sur la brevetabilité de l’invention si cette dernière ne répond pas par ailleurs au critère de l’absence d’évidence posée par la Convention de Munich et le Code de la Propriété Intellectuelle, mais cette appartenance n’exclura pas leur soumission aux règles posées par la CDB sous réserve de son application dans le temps, problématique qui dépasse largement le cadre de cet article.

Remarquons également que si l’accès à ces ressources génétiques doit encore être demandé, il est difficilement concevable que ces ressources, compte tenu de leur définition comme il sera dit plus avant, puissent être incluses dans l’état de la technique.

Il s’agit ici dans la CDB d’inventions dites de « biotechnologies »[17] définies comme « toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier ou des procédés à usage spécifique »[18] mais les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse en ajoutant des conditions supplémentaires vont réduire le nombre des inventions concernées.

Le Traité en ce qu’il a mis en place le système multilatéral, concerne différemment les inventions biotechnologiques.

1.1 Les inventions de biotechnologies découlant de l’exploitation des ressources génétiques

Les inventions concernées sont toutes les inventions de biotechnologies aussi bien celles de produits que celles de procédés ou encore celles d’applications qui sont susceptibles d’être concernées, quand elles « découlent » des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés à la biodiversité, dont les domaines sont largement définis par la CDB.

C’est-à-dire un champ particulièrement étendu au regard des définitions qui en sont données par la CDB.

1.1.1 Les ressources génétiques englobent les différentes formes de vie.

La Convention sur la diversité biologique et les lignes directrices de Bonn, d’une part et le Traité[19], d’autre part donnent des définitions semblables à ceci prêt que « les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture » visent des ressources génétiques quand celles-ci sont d’origine végétale[20];

« Les ressources génétiques » sont définies comme « le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle », le matériel génétique étant le « matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité »[21] .

Ni la CDB ni le Traité ne définissent ce qu’il faut entendre par « des unités fonctionnelles de l’hérédité », il ne s’agit certainement pas de limiter les ressources génétiques aux seuls génomes et gènes qui eux font l’objet de recommandations particulières à l’annexe1 de la CDB et dont le seul séquençage est aujourd’hui sans doute difficilement brevetable au regard du critère d’application industrielle ou de la suffisance de description.

Compte tenu de la généralité de la définition de l’origine du matériel en cause, ne faudrait-il pas admettre que les ressources génétiques recouvrent les différents aspects que la vie peut prendre sur Terre[22] sous réserve que certains de ces aspects n’existent que sur des Etats non parties à la Convention ?

1.1.2 Les savoirs traditionnels fondés sur des ressources biologiques

Les savoirs traditionnels se distinguent des ressources génétiques en ce qu’ils constituent des productions humaines : des « connaissances, innovations et pratiques » mais dont la diffusion est limitées à des « communautés autochtones et locales »[23].

Ces savoirs traditionnels ne bénéficient de la CDB que s’ils « intéressent la conservation de la diversité biologique et la gestion durable de ses éléments »[24]. Les ressources biologiques sont définies bien plus largement que les ressources génétiques puisqu’elles les incluent et que leur définition ajoute « les organismes ou éléments de ceux-ci, les populations ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective potentielle pour l’humanité »[25].

Le Traité prévoit une disposition analogue en ce qui concerne « les connaissances traditionnelles présentant un intérêt pour les ressources phytogénétiques l’alimentation et l’agriculture »[26].

C’est essentiellement au regard de ces savoirs traditionnels que la qualification de bio-piratage a été employé à l’encontre des dépôts de brevets qui probablement d’ailleurs ne respectaient pas les exigences de nouveauté et d’activité inventive [27].

1.2 Les inventions réalisées à partir d’informations obtenues du « système multilatéral ».

Les Etats signataires du Traité peuvent placer tout ou partie de leurs ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, c’est-à-dire notamment certaines espèces végétales, dans le système multilatéral mis en place par les articles 10 et suivants.

Les inventions concernées ici sont celles qui ont été réalisées à partir d’informations obtenues par l’accès au système multilatéral.

1.3 L’Union Européenne dans le cadre de l’OMPI et la Suisse pour la modification du traité PCT ont proposé que l’invention soit « directement fondée » sur les ressources

Aussi bien la proposition de l’Union Européenne dans le cadre de l’OMPI que celle de la Suisse pour la modification du traité PCT se réfèrent aux définitions de la Convention en rappelant que celles du Traité sont synonymes.

Pour les ressources génétiques par renvoi à l’article 2 de la CDB et pour les savoirs traditionnels de l’article 8 de la CDP, c’est-à-dire les connaissances, innovations et pratiques traditionnelles : le texte de l’Union européenne et celui de la Suisse proposent que l’invention soit « directement fondée » sur ceux-ci.

L’Union Européenne précise «  que l’inventeur doit avoir eu physiquement accès » à la source, en expliquant que cela « suppose sa possession ou du moins un contact suffisant pour y identifier les propriétés utiles pour l’invention »[28].

La proposition Suisse dans le cadre du traité PCT ne reprend pas expressément ces développements sur le contact physique, elle se limite à indiquer à propos de l’expression «directement fondée sur », « que la condition est clairement remplie si une invention utilise directement la ressource génétique ou les savoirs, les innovations et les pratiques »[29].

Mais la contribution de Monsieur Girsberger du Service juridique, Brevets et Designs de l’institut fédéral de la propriété intellectuelle sur les questions de divulgation de l’origine dans les brevets précise «  Dès lors, l’invention doit faire un usage immédiat de la ressource génétique, c’est-à-dire qu’elle doit dépendre des propriétés particulières de cette ressource, et l’inventeur doit avoir un accès physique[30] à ladite ressource, c’est-à-dire qu’il doit être en mesure de déterminer les propriétés de la ressource génétique sont utiles pour l’intention. En ce qui concerne les savoirs traditionnels, l’inventeur devrait savoir que l’invention est directement fondée sur ces savoirs, c’est-à-dire que l’inventeur doit consciemment déduire l’invention de ces savoirs »[31].

2 Quelle origine indiquée ?

La Convention et le Traité n’accordent qu’à l’Etat d’origine le contrôle de l’accès à ses ressources génétiques et n’envisagent comme origine que celle d’un Etat partie ou celle du système multilatéral mais les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse prévoient la possibilité d’indiquer d’autres sources.

2.1 L’origine selon la CDB: l’origine géographique, celle d’un Etat partie à la Convention.

L’accès aux ressources génétiques est donné par « les pays d’origine de ces ressources ou » par  des pays parties à la convention, « qui les ont acquises conformément à la présente convention »[32].

Il faut rappeler que le consentement à l’accès aux ressources de l’Etat d’origine ou de l’Etat qui les a acquis licitement, doit être préalable et en connaissance de cause[33] [34].

Seuls également les Etats parties à la Conventions sont les bénéficiaires des avantages de l’exploitation[35].

2.1.1 L’Etat qui possède ces ressources génétiques dans des conditions in situ

La définition donnée à l’article 2 limite les pays d’origine des ressources génétiques aux pays qui possèdent ces ressources génétiques dans des conditions in situ ; c’est-à-dire des Etats parties de la Convention et caractérisés par « l’existence de ressources génétiques au sein d’écosystèmes et d’habitats naturels et, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs »[36].

Ainsi ce sont les Etats bénéficiaires de ces conditions « in situ » qui contrôlent l’accès à ces ressources et les règlementent comme pour n’importe quelle richesse présente sur leur territoire.

2.1.2 Un État partie à la CDB qui les a acquis conformément à ses dispositions.

La Convention envisage que des Etats autres que ceux qui détiennent ces ressources génétiques in situ, puissent en donner valablement l’accès, s’ils les ont acquis conformément aux dispositions conventionnelles.

Cette situation peut bien évidemment multiplier le nombre d’intervenants auprès desquels l’accès peut-être est obtenu[37].

2.1.3 L’accord des communautés autochtones et locales n’est pas prévu pour l’accès aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques .

La Convention sur diversité biologique n’a reconnu comme partie à la convention que les Etats.

L’accord des communautés autochtones et locales pour l’accès à leur savoir traditionnel n’est prévu que de manière indirecte, cette question appartient au droit interne des Etats avec un tempérament : l’Etat partie de la Convention doit respecter dans sa législation nationale « les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent les modes de vie traditionnels » et l’accord et la participation de leurs « dépositaires »[38].

2.2 Le dépôt de brevet sur toutes informations issues du système multilatéral est interdit

Toute prise de brevet est interdite pour des informations obtenues par l’accès au système multilatéral. Cette interdiction est générale et elle s’applique à tout droit de propriété intellectuelle ou tout autre droit limitant l’accès facilité aux ressources[39].

Par conséquent, une invention qui a été réalisée à partir d’informations obtenues par accès au système multilatéral ne devrait pas pouvoir faire l’objet d’un brevet.

De plus, le système multilatéral ne permettant un accès facilité aux ressortissants des Etats signataires « lorsqu’il a pour seule fin la conservation et l’utilisation pour la recherche, la sélection et la formation pour l’alimentation et l’agriculture »[40], l’emploi de ces informations pour d’autres buts serait illicite.

2.3 Les autres sources envisagées par les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse

Au sens de la CDB et du Traité, l’origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés n’est que géographique et elle ne pouvait être que celle de :

– l’Etat qui les détient in situ, c’est à dire le pays d’origine,

– mais aussi un Etat qui les détient licitement sans être l’Etat d’origine,

– ou le système multilatéral,

Par ailleurs, la Convention prévoit le prélèvement d’échantillons ou d’autres techniques des éléments constitutifs de la diversité biologique[41], la description des gènes et des génomes[42], et plus généralement la conservation et la structuration des données « résultant des activités d’identification et de surveillance entreprises »[43].

Aussi bien le projet suisse de modification du traité PCT que la proposition européenne auprès de l’OMPI ont envisagé que l’origine pouvait être une source autre que celle de l’origine géographique étatique ou celle du système multilatéral.

Aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels d’un Etat partie à la CDB, ces 2 textes proposent d’ajouter d’autres sources.

Dans la proposition de l’Union Européenne le terme source « désigne toute source autre que le pays d’origine, auprès de laquelle le déposant à eu accès aux ressources génétiques, par exemple un centre de recherche, une banque de gènes ou un jardin botanique »[44].

A cette liste, la Suisse ajoute « aussi toute autre ressource telle que les publications dans des revues ou des livres scientifiques » et de préciser que « cela peut être le cas, par exemple, lorsque les savoirs, les innovations et les pratiques de communautés autochtones et locales ont été trouvées dans une revue scientifique »[45], « les bases de données sur les savoirs traditionnels ou les collections ex situ de ressources génétiques » et aussi « la région, la communauté ou la personne physique qui a fourni les savoirs, les innovations et les pratiques »[46].

2.4 Les sources en cascades

Les deux propositions n’écartent pas le risque de cascades[47] de sources primaires et secondaires ;

Il est envisagé que « la déclaration de la source secondaire, « revue scientifique », serait insuffisante en l’occurrence ; il faudra aussi déclarer la communauté locale comme source première »[48].

Autre exemple tiré du projet de l’union Européenne : « le déposant indique que l’invention est directement fondée sur des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels » tout en déclarant que « le pays d’origine et la source lui sont inconnus »[49] .

On peut aussi imaginer que la multiplication des sources ôte toute pertinence à une origine particulière ;

Les procédés de l’ingénierie génétique visent justement à créer des séquences génétiques qui n’existent pas à l’état naturel. Certaines inventions nécessitent certes une sélection de bactéries naturelles qui présentent déjà certaines qualités ; la tâche de l’ingénieur consiste à sélectionner les fragments génétiques pertinents de cette bactérie pour ensuite les combiner avec d’autres segments de matériels génétiques ou encore à les placer dans des hôtes bactériens le plus souvent totalement transformés par rapport à ceux existants dans la nature et à déterminer les conditions particulières de cultures qui n’ont rien à voir avec des conditions naturelles afin de synthétiser telle ou telle protéine ou de participer à tel ou tel procédé de synthèse chimique ou biologique.

2.5 La déclaration du déposant et l’information de l’Etat d’origine dans les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse

Dans ces 2 projets, la déclaration de l’origine devrait être faite au moment du dépôt de la demande de brevet ;

Si le déposant répond par la négative à la question de savoir si l’invention est directement fondée sur des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels, il n’aura pas à répondre à d’autres questions. S’il répond par l’affirmative et si sa réponse n’est pas complète, l’examen de sa demande sera suspendue, selon la proposition de l’Union Européenne[50].

En cas d’informations incorrectes ou incomplètes, la proposition européenne précise qu’il ne devrait pas y avoir d’effet « sur la validité du brevet délivré ni sur son opposabilité » et de renvoyer aux Etats contractants la détermination « des moyens » et la « graduation » de ces sanctions.

La proposition suisse se référant aux dispositions du PCT renvoie également cette question à la législation nationale mais avec une conclusion opposée puisque cette proposition conclut qu’une législation peut prévoir que « la validité d’un brevet délivré est remise en cause si la source n’est pas déclarée ou l’est incorrectement et si ces manquements relèvent d’une intention frauduleuse »[51].

Cette déclaration serait transmise par l’Office auprès de l’État dont l’origine a été indiquée[52] ou auprès du Centre d’échange de la CDB[53]. Ces projets supposent par conséquent, une parfaite connaissance des origines étatiques des sources.

Les propositions de la Suisse et de l’Union Européenne n’ont pas encore abouti à des modifications des traités internationaux sur les brevets.

Comme on l’a dit ci-dessus, les lois françaises de transposition de la directive n’ont pas prévu cette indication d’origine dans la demande de brevet.

Pourtant le déposant français ne peut pas ignorer les dispositions de la Convention et du Traité ;

La France les ayant ratifiés, lors de l’exploitation de son invention, si celles-ci entraient dans les prévisions de ces textes internationaux, il risquerait de se les[54] voir opposer ce qui ne serait pas sans incidence au regard des garanties à accorder à ces cocontractants sur le territoire français.

Lors de l’extension de sa demande à l’étranger, certains Etats ont déjà introduit dans leur législation nationale sur les brevets le caractère contraignant de l’indication d’origine et ce ne sont pas que des pays lointains.

La Belgique par la loi du 28 avril 2005[55] a rendu obligatoire « la mention de l’origine géographique de la matière biologique[56] à partir de laquelle l’invention a été développée » mais elle a renvoyé sa mise en œuvre à des actes réglementaires ultérieurs.

Philippe Schmitt

Avocat à Paris

 


[1] Considérant 26

[2] Considérant 27

[3] Loi du 6 août 2004 et loi du 8 décembre 2004

[4] Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture signé à Rome le 6 juin 2002. Ce traité est généralement désigné par TI-RPGAA

[5] Convention sur la diversité biologique adoptée à Rio de Janeiro le 22 mai 1992. Cette convention a été signée par la France le 13 juin 1992. Voir le Décret n° 95-140 du 6 février 1995 portant publication de la convention.

[6] Le traité est entré en vigueur le 9 octobre 2005. Voir le Décret n° 2005-1374 du 28 octobre 2005.

[7] « Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation ». Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique . www.biodiv.org

[8] Autre objectif de la Convention sur la diversité biologique

[9] Voir plus récemment encore « Organisation Mondiale du Commerce. l’article 27.3 b). La relation entre l’accord sur les ADPIC et la CDB, et la protection des savoirs traditionnels et du folklore. Communication des Etats-Unis. IP/C/W/469. 13 mars 2006.

[10] Voir récemment : 13 juin 2006 « Accord sur les ADPIC: des pays en développement préconisent l’introduction de prescriptions sur la divulgation de l’origine » par Tove Iren S. Gerhasen. http://www.ip-watch.org/weblog/index.php?p=328&res=1280&print=0.

[11] Groupe de travail sur la réforme du traité de coopération en matière de brevets ( PCT), cinquième session, Genève 17 – 21 novembre 2003. PCT/R/WG/5/11

[12] OMPI. Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, huitième à session, Genève, 6-10 juin 2005. WIPO/GRTKF/IC/8/11.

[13] Jean-Frédéric Morin «  la divulgation de l’origine des ressources génétiques : une contribution du droit des brevets à la protection de l’environnement » cite l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine, le Costa Rica, la Colombie, l’Equateur, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, Mexique, la Malaisie, le Pérou, les Philippines et le Venezuela.

[14] Article 1er de la CDB

[15] Article 56 de la Convention de Munich et article L. 611 – 14 du C. P. I.

[16] Voir l’article 54 de la Convention de Munich et l’article L. 611 – 11 du C. P. I.

[17] Article 16.1 de la CDB

[18] Article 2 de la CDB

[19] Le Traité est également indiqué ici parce qu’il n’a pas sorti du régime de la CDB les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture

[20] « Le matériel génétique désigne le matériel d’origine végétale, y compris le matériel de reproduction et de multiplication végétative, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité » article 2 du Traité.

[21] Article 2 de la CDB

[22] L’article 2 de la CDB associe également à la diversité biologique « la variabilité des organismes vivants de toutes origines y comprises entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes »

[23] Voir notamment l’article 8.J de la CDB

[24] Voir en ce sens le préambule de la CDB

[25] Article 2 de la CDB

[26] Article 9.2.a) du Traité

[27] Organisation mondiale du commerce. Analyse de cas éventuel de piratage biologique. Communication du Pérou. 7 novembre 2005. IP/C/W/458

[28] Pages 3 et 6 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[29] Page 13du document précité PCT/R/WG/5/11

[30] Mots soulignés par nous

[31] « La divulgation de la source des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets » contribution de Martin A. Girsberger, co-chef, Service juridique, Brevets et designs, Institut fédéral de la propriété intellectuelle, Suisse. Sous la référence « Atelier international d’experts sur l’accès aux ressources génétiques est le partage des avantages résultant de leur utilisation. III Les aspects particuliers à examiner dans l’élaboration du régime international : l’interface avec le système actuel de propriété intellectuelle et les limites et possibilités pour les droits de propriété intellectuelle existants ». Accessible notamment à http://www.canmexworkshop.com/documents/french/III.1.1.pdf

[32] Article 15.3 de la CDB

[33] Article 15.5 de la CDB

[34] Eventuellement cet accord pourra préciser le libellé sous lequel l’origine des ressources génétiques sera indiquée, mais cela la Convention ne le prévoit pas puisque « le pouvoir de déterminer l’accès » appartient aux législations nationales voir l’article 15.1 de la CDB

[35] Article 19 de la CDB. Le Traité prévoit également des avantages pour le système multilatéral

[36] 3ème alinéa de l’article 2 de la CDB

[37] Même si le paragraphe 6 de l’article 15 prévoit « que chaque Partie contractante s’efforce de développer et d’effectuer des recherches scientifiques fondées sur les ressources génétiques fournies par d’autres Parties contractantes avec la pleine participation de ces Parties, et dans la mesure du possible sur leur territoire »

[38] Article 8j de la CDB

[39]Article 12. 3. d) du Traité

[40] Article 12.3.a) du Traité

[41] Articles 6 et 7 de la CDB

[42] Annexe 1 de la CDB

[43] Article 7 d de la CDB

[44] Page 3 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[45] Voir la note 15 en page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[46] Page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[47] Voir ce terme dans la contribution précitée de M. Girsberger

[48] Page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[49] Page 4 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[50] Page 4 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[51] Page 14 du document précité PCT/R/WG/5/11

[52] La proposition suisse envisage que les destinataires pourraient être « le correspondant national pour l’accès et le partage des avantages, dont le rôle est indiqué au paragraphe 13 des Lignes directrices de Bonn», et de proposer à l’OMPI d’envisager, en étroite collaboration avec la CDB, « la création d’une liste d’organismes gouvernementaux compétents pour recevoir ce type d’information »

[53] Page 6 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[54] L’examen des circonstances dans lesquelles des personnes privées pourraient se voir opposer une convention internationale dont les Etats sont les seules parties, dépasse largement le cadre de cet article

[55] Loi modifiant la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d’invention, en ce qui concerne la brevetabilité des inventions biotechnologiques. Moniteur belge 13 mai 2005, p. 22852 et suivantes

[56] L’article 2 de cette loi donne la définition de la matière biologique de l’article 2 de la directive : « une matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductibles ou reproductible dans un système biologique». La loi du 28 avril 2005 a complété également la loi du 28 mars 1984 en la soumettant aux textes internationaux dont la Convention sur la diversité biologique conclue