Une marque ne peut pas interdire l’emploi du même nom pour désigner une espèce animale

Buckfast désigne une espèce d’abeilles, mais c’est aussi une marque déposée et enregistrée en France qui remonte à 1981 pour désigner « Elevage de reines, d’abeilles et plus généralement d’animaux.Reines, abeilles et plus généralement des animaux vivants ».

En 2003, dans une revue spécialisée dédiée aux apiculteurs, sont offertes à la vente des ruches peuplées « Buckfast Luxembourg ».

Le titulaire de la marque Buckfast poursuit en contrefaçon l’auteur de l’annonce, la Cour de Metz lui donne raison.

3 arrêts de la Cour de cassation se prononcent sur le circonstances d’emploi de cette marque qui est également le nom d’une espèce animale.

1°) 1er arrêt de la Cour de cassation, le 2 novembre 2011.

Cet son arrêt du 2 novembre 2011 [ ici ] prononce la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Metz sur le fondement de l’article L 716-1 du Code de la propriété Intellectuelle.

Cet article  prévoit les atteintes aux droits de la marque par des renvois aux articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 713-4.

Mais les interdictions édictées à ces articles connaissent les limites posées par l’article L713-6.

Article L713-6

L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme :

  1. a) Dénomination sociale, nom commercial ou enseigne, lorsque cette utilisation est soit antérieure à l’enregistrement, soit le fait d’un tiers de bonne foi employant son nom patronymique ;
  2. b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.

Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite.

Et c’est sur le point b) « b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit » que la Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour de Metz.

Pour la Cour de Cassation, la Cour de Metz aurait dû vérifier si en 2003 « les termes  » buckfast  » et  » buck  » n’étaient pas devenus, dans le langage des professionnels de l’apiculture, nécessaires pour désigner un certain type d’abeilles »

2°) Le 2ème arrêt de cassation, le 24 juin 2014

Par son arrêt du 15 avril 2013, la Cour d’appel de Nancy désignée à l’arrêt du 2 novembre 2011 retient une nouvelle fois la contrefaçon de marque.

Le 24 juin 2014, l’arrêt est là, la Cour de cassation prononce à nouveau la cassation, mais cette fois sur l’appréciation de la déchéance pour non-usage de la marque de l’article L714-5 du C.P.I .

La Cour de cassation reproche à la Cour de Nancy d’avoir refusé de prononcer la déchéance de la marque française buckfast bien que les dates des prétendues preuves de son exploitation étaient situées hors de la période des cinq ans antérieurs au 25 janvier 2012, date de la demande en déchéance.

Il se comprend ainsi que la demande en déchéance n’avait pas été présentée devant la Cour de Metz.

3°) L’arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2017  

L’affaire revient devant la Cour de Nancy, « autrement composée ».

Le 6 octobre 2015, la Cour de Nancy retient la contrefaçon de la marque.

A noter qu’intervient devant la Cour de cassation aux côtés de l’apiculteur condamné pour contrefaçon l’Association nationale des éleveurs de reines et des centres d’élevage apicoles.

Une nouvelle cassation est prononcée le 5 juillet 2017, l’arrêt, pour le même motif qu’au premier arrêt du 2 novembre 2011.

Vu l’article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’interprété à la lumière de l’article 6, paragraphe 1 sous b), de la directive n° 89/ 104/ CEE du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, ensemble l’article 620 du code de procédure civile ;

« Attendu qu’il résulte du premier texte susvisé que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci, pour autant que cet usage soit fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ;

……

Attendu, selon les constatations des juges du fond, que M. X… a fait paraître en 2003 dans les revues spécialisées ……. des annonces mettant en vente des ruches peuplées « Buckfast », ainsi que des essaims et reines sélectionnées issus des élevages « Buck » et qu’à l’époque de ces parutions, les termes buckfast et buck étaient devenus usuels pour désigner un certain type d’abeilles ;

Qu’il en résulte qu’en indiquant, dans le cadre d’une offre de transaction entre spécialistes de l’apiculture, l’espèce des abeilles en question, M. X… a utilisé le signe en se conformant aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, en faisant ainsi un usage que le titulaire de la marque n’était pas en droit d’interdire, de sorte que l’action en contrefaçon n’est pas fondée ».