Limitation de brevet : À quel moment l’INPI est-il compétent pour limiter la partie française d’un brevet européen ?
Article de Philippe Schmitt publié le 18 octobre 2011 sur le site du village de la justice
La limitation de brevet connait un succès certain. Néanmoins, quand il s’agit de la partie française d’un brevet européen, devant quel office cette demande en limitation doit-elle être instruite ? Bien qu’un arrêt de la Cour de Paris soit intervenu sur cette question le 1er juillet 2011, le débat reste ouvert.
Un brevet dont la protection s’applique en France, a été examiné soit par l’Office Européen des Brevets sur une demande déposée à cet office, le brevet européen visant la France, soit par l’Institut National de la Propriété Industrielle, le brevet français. Mais ces titres qui visent tous les deux la France peuvent-ils être limités devant l’INPI ? La Cour de Paris a été confrontée à une question analogue, mais l’arrêt du 1er juillet 2011 n’a peut-être pas permis à la Cour d’examiner tous les éléments à prendre en considération.
1°) La problématique de la limitation de la partie française du brevet européen à laquelle n’a pas pu répondre l’arrêt du 1er juillet
Deux ensembles de textes prévoient la limitation de brevet. Pour la limitation européenne, la CBE 2000. La limitation française, quant à elle, est issue de la loi du 4 août 2008, et elle est codifiée au Code de la propriété intellectuelle aux articles L 613-24, L613-25 et L614-12 qui sont complétés à la partie réglementaire par l’article R 613-45.
Antérieurement à la loi du 4 août 2008, seule existait en France, la limitation judiciaire prévue à l’article L 613-27. La possibilité d’une limitation judiciaire d’une partie nationale, et donc française, d’un brevet européen était également envisagée par la Convention de Munich dans sa version de 1973 au point 2 de son article 138.
La CBE 2000 a introduit la procédure de limitation du brevet européen devant l’OEB et a également modifié la rédaction de l’article 138. La loi du 4 août 2008 a prévu aussi la possibilité d’une limitation du brevet devant l’INPI.
Il se perçoit aisément que la question de la limitation de brevet se pose à deux temps bien distincts de la vie de ce titre hors tout débat judiciaire ou lors d’une instance judiciaire.
En dehors de toute instance judiciaire, il n’est pas discuté actuellement que le titulaire d’un brevet français ou de la partie française d’un brevet européen puisse demander la limitation de son brevet devant deux offices à priori selon l’alternative suivante :
– pour un brevet français, la demande en limitation est à adresser à l’INPI,
– en cas de brevet européen, la requête en limitation est présentée devant l’OEB.
Notons tout de suite que le titulaire n’a pas vraiment de choix dans cette alternative, l’article L614-13 prévoyant que si un brevet français couvre la même invention pour laquelle un brevet européen a été délivré, le brevet cesse de produire ses effets.
Néanmoins, la limitation devant l’OEB peut poser quelques difficultés au breveté.
En effet, la procédure devant l’OEB va modifier tous les titres nationaux de ce brevet européen ce que ne veut pas nécessairement son titulaire, et en cas de titres nationaux répartis entre différents titulaires, l’accord de tous est requis, condition parfois difficile à réaliser.
Le titulaire de la partie française du brevet européen pourrait-il alors présenter sa requête en limitation à l’INPI ? Etant entendu puisque seule la limitation selon la CBE 2000 prévoit son application à tous les titres nationaux, que cette requête devant l’INPI ne porterait que sur la partie française.
La Cour de Paris par son arrêt du 1er juillet 2011 a rejeté le recours contre une décision du Directeur de l’INPI intervenue en limitation de la partie française d’un brevet européen.
Mais il n’est pas sûr que les faits et les circonstances dans lesquelles ceux-ci lui ont été soumis, aient permis à la Cour d’apprécier les différentes dispositions à prendre en considération.
En se reportant à la lecture de cet arrêt, le titulaire du brevet avait demandé lors d’une instance judiciaire où la validité de la partie française de son brevet était contestée, la limitation de celle-ci devant l’INPI. La limitation accordée, la partie adverse qui initialement demandait la nullité du brevet, a contesté la légalité de la décision de l’INPI qui a accordé cette limitation et la légalité de l’inscription de cette décision au registre national des brevets.
Toujours à lire cet arrêt, il y a comme un mélange des arguments relatifs à la validité du titre avec ceux qui contestent la légalité de la décision du Directeur de l’INPI . Comme nous le diraient les publicistes, sous couvert d’un recours en excès de pouvoir n’était-ce pas là un plein contentieux que cette partie menait ce qu’elle faisait par ailleurs devant le Tribunal de grande instance de Paris. A elles seules, ces questions procédurales n’auraient-elles pas amené la Cour à sa décision de rejet du recours ?
2°) La limitation devant l’INPI de la partie française d’un brevet européen ne peut intervenir qu’après une décision de justice prononçant la nullité partielle du brevet
A se limiter aux seuls articles relatifs à la limitation du brevet et qui ont été introduits par les dispositions nouvelles, c’est bien entendu l’article L613-24, également cité par la Cour de Paris, qui retient, tout d’abord, toute l’attention.
En effet, cet article s’applique à la limitation du brevet qui peut être demandée à « tout moment » et qui prévoit que cette demande en limitation est présentée devant l’INPI.
Cet article s’applique aussi à deux autres articles :
- l’article L613-25 est relatif à la limitation demandée par le breveté dans le cadre d’une action en nullité du brevet. Cet article et l’article L613-24 se succèdent dans le chapitre relatif aux brevets français,
- l’article L614-12, article placé dans la section « Brevets européens », et qui porte sur la limitation judiciaire du brevet européen :
- intervenue par une décision de justice (2ème alinéa),
- ou qui a été demandée lors d’une action en nullité du brevet (3ème alinéa).
Pour comprendre le sens de l’expression « à tout moment » de l’article L 613-24 et l’appliquer à la partie française du brevet européen selon les deux articles relatifs à la limitation qui ont été introduits par la loi du 4 août 2008, la limitation devant l’INPI de la partie française du brevet européen ne serait donc possible que dans le cadre d’une instance judiciaire.
Se dégagent déjà deux conditions cumulatives de la lecture combinée des articles L614-12 et L613-24 pour que la limitation du brevet européen puisse intervenir devant l’INPI :
- il doit s’agir de la partie française (le contraire eut été étonnant),
- et dans le cadre d’une action judiciaire (sous-entendu devant une juridiction française).
Mais une troisième condition est à respecter.
En effet, dans le cas de la limitation judiciaire, deux situations sont à distinguer au sein de l’article L 614-12 :
- avant qu’une décision judiciaire ne constate des motifs de nullité n’affectant le brevet « qu’en partie », L614-12, le 3ème alinéa ;
- ou après qu’une décision ait constaté des motifs de nullité n’affectant le brevet « qu’en partie », L614-12, alinéas 1er et 2ème .
Ces deux situations bien que rencontrées toutes deux en cours d’instances judiciaires, sont soumises par l’article L 614-12 à des règles différentes pour la limitation qui serait demandée ou qui suivrait la nullité partielle de la partie française du brevet européen.
- Pour la limitation avant décision judiciaire, cet article prévoit que la modification des revendications doit être menée conformément à l’article 105b de la Convention de Munich, c’est-à-dire devant l’Office européen des brevets, office expressément cité à cet article de la convention.
- Après la décision de justice qui constate la nullité partielle du brevet, cet article ne précise pas auprès de quel office la limitation doit être menée.
Cette première lecture de l’article L 614-12 conduit ainsi :
- à une contradiction apparente pour la limitation intervenue en cours d’une action en nullité : L614-12 prévoit l’intervention de l’OEB quand l’article L613-24 désigne l’INPI.
- Et à une interrogation pour la limitation après décision de justice.
Comment concilier cette contradiction apparente entre deux textes et tenter une réponse à l’interrogation.
Une solution de facilité consisterait à imposer les dispositions de la Convention car supérieures dans l’ordre juridique à la loi française.
Mais une cohérence entre ces textes peut être facilement établie en faisant un parallèle avec les dispositions de l’article L613-27. Celui renvoie devant l’INPI la limitation du brevet français après son annulation partielle.
Autrement dit, seule la limitation à la suite d’une décision de justice ayant constaté la nullité partielle de la partie française du brevet européen serait à mener devant l’INPI. Dans les autres cas, la limitation de la partie française du brevet européen appartiendrait à l’OEB. Cette répartition concilierait les exigences de la Convention et les dispositions issues de la loi du 4 août 2008.
Philippe Schmitt
Avocat
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Quelques observations sur la limitation de brevet introduite par la CBE 2000
(Etude publiée dans Propriété Industrielle d’octobre 2007, p 14 et suivantes )
Le 17 décembre 2007 entrera en vigueur la nouvelle rédaction de la Convention de Munich dite CBE 2000. Parce que la limitation du brevet est une procédure dont la maîtrise appartient au titulaire du titre, qu’elle soit mise en œuvre devant l’Office Européen ou à l’occasion d’un contentieux en annulation devant une juridiction nationale, cette nouvelle disposition va modifier profondément la pratique sans attendre les prochaines réformes annoncées de l’ EPLA ou du brevet communautaire.
Se trouvera-t-il encore après le 17 décembre 2007, un titulaire de brevet européen qui laissera annuler son titre ? La limitation du brevet accordée à son titulaire par les nouvelles dispositions[1] de la Convention sur le brevet européen (plus avant dénommée CBE 2000) dont l’entrée en vigueur est prévue à cette date[2], ne modifieront-elles pas l’ensemble du contentieux des brevets ?
A priori, la procédure judiciaire française connaît depuis la loi 2 janvier 1968[3] la limitation de brevet sans que celle-ci l’ait bouleversée. A se reporter aux quelques affaires publiées, la mise en œuvre de cet article n’aurait été que rarement sollicitée ou obtenue.
Mais cette possibilité n’existe actuellement que pour les brevets français délivrés après examen par l’INPI et dans un seul contexte, celui d’une décision de justice annulant partiellement le brevet et par renvoi devant l’office français, l’option laissée aux Etats par l’article 138 alinéa 2 dans la version actuelle de la Convention n’ayant pas été introduite en droit français.
Avec la limitation de brevet issue de la CBE 2000, c’est l’ensemble des brevets déposés par le voie européenne, c’est-à-dire ceux visant la France mais également l’un des 23 pays membres de la Convention, qui, selon le calendrier[4] des mesures transitoires pour les brevets européens déjà déposés, pourront être soumis à cette procédure.
Que cette limitation soit engagée devant l’Office Européen ou lors d’une procédure judicaire, son impact sera sans doute décisif pour les tiers[5] et à fortiori dans le cadre des contentieux en nullité du brevet ou en contrefaçon.
Le 26 juin 2015, La Cour e Paris a admis la possibilité de requérir la limitation de la seule partie française d’un brevet européen même si celui-ci fait l’objet d’une opposition. Le 24 mai 2017, la question n’est pas réellement examinée par la Cour de cassation, l’arrêt est là, le brevet ayant été révoqué par l’OEB, le pourvoi en cassation est devenu sans objet.
1 La limitation de brevet devant l’Office Européen
Cette nouvelle procédure de limitation de brevet[6] devant l’Office Européen se singularise par deux caractéristiques qui nous apparaissent essentielles, la possibilité de modifier les revendications et également la description et les dessins sur lesquels le contrôle par l’Office semble bien incertain, et l’absence des tiers à cette procédure.
1.1 Par la procédure en limitation devant l’Office Européen, les revendications, la description et les dessins peuvent être modifiés
Si l’article 105 point b) de la CBE 2000 indique que ce sont les revendications qui sont limitées, le point d) de la règle 92 prévoit expressément que la requête doit contenir « les textes complets des revendications modifiées et le cas échéant, de la description et des dessins tels que modifiés ».
C’est donc bien l’ensemble du brevet qui peut être modifié, revendications, description et dessins[7] y compris.
1.1.1 Le contrôle exercé par l’Office ne porterait que sur les modifications des revendications
A se reporter aux dispositions de la CBE 2000, le contrôle exercé par la division d’examen n’est prévu que sur les revendications modifiées pour s’assurer qu’elles limitent les revendications en vigueur[8], qu’elles sont claires et concises et qu’elles se fondent sur la description[9], que l’objet du brevet ne s’étend pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée [10] de façon à étendre la protection qu’il confère[11].
La CBE 2000 n’attribue donc pas expressément de compétence à la division d’examen pour contrôler les modifications apportées à la description et aux dessins par rapport à ceux de la demande délivrée ou modifiée. C’est pourtant là un enjeu essentiel. Le titulaire du brevet qui constatant que son brevet souffre d’une insuffisance de description pourrait tenter d’y remédier sous couvert d’une limitation de son titre par une limitation purement formelle en ce qui concerne les revendications. Dans un tel cas, on pourrait d’ailleurs douter de l’effectivité d’un éventuel contrôle de la division d’examen dont cette insuffisance de la description lui avait échappée lors de l’examen de la demande. Cependant l’absence de tout contrôle sur les modifications apportées à la description et aux dessins, placerait des tiers, qui auraient pu engager leur fabrication en estimant l’aléa associé à cette fragilité du brevet pour insuffisance de description, dans une situation particulièrement délicate en leur faisant perdre un sérieux argument, l’effet de la limitation du brevet et par conséquent, l’ensemble des modifications remontant rétroactivement à la date de la demande du brevet européen[12].
1.1.2 La procédure en limitation n’est pas interdite en cas d’action en nullité d’un des brevets nationaux issus de la demande de brevet européen
La requête en limitation peut être présentée à tout moment[13], le requérant n’a pas à motiver l’actualité de sa demande.
La CBE 2000 n’interdit pas la procédure en limitation en cas d’action en nullité à la différence, par exemple, de l’article 51,5 de la Convention de Luxembourg sur le brevet communautaire[14], ni n’exige du requérant qu’il informe l’Office d’une éventuelle contestation de la validité de son titre dont il aurait connaissance.
Comment ne pas imaginer qu’un titulaire de brevet dont l’insuffisance de description ou une antériorité gênante lui sont opposées lors d’une procédure judiciaire ou à la suite d’une simple mise en demeure, tente de contourner l’un ou l’autre de ces arguments d’abord par la requête en limitation ? Avec la requête en limitation, les titulaires des brevets disposeront d’une belle opportunité pour bloquer les procédures judiciaires et même pour éviter une décision judiciaire prononçant la nullité totale de leur titre. Rien ne semble d’ailleurs interdire au breveté de demander cette limitation entre un jugement de première instance défavorable à son titre et l’appel de cette décision.
1.2 La procédure de limitation du brevet devant l’Office Européen ne prévoit pas l’intervention des tiers
Si les tiers peuvent intervenir largement lors de la procédure devant l’Office pour l’obtention du brevet[15], la limitation de celui-ci se fait sans eux.
1.2.1 Aucune mesure de publicité ou d’inscription au Registre Européen des Brevets ne sont prévues lors du dépôt de la requête en limitation
La procédure de limitation de brevet est engagée par une requête[16] déposée devant la division d’examen par le titulaire du brevet. Rien n’est dit d’une quelconque mesure de publicité de cette requête.
Aucun tiers n’a la possibilité d’intervenir à cette procédure, les seuls tiers dont les accords sont requis[17], sont les titulaires des autres brevets nationaux délivrés sur la base de la même demande de brevet européen. En effet, la limitation du brevet européen portera sur tous les brevets nationaux qui ont été délivrés[18].
Ce n’est qu’à partir de l’inscription au Registre Européen des Brevets de la décision de la division d’examen ou de la publication du brevet limité que les tiers apprendront l’existence de cette requête en limitation et ses conséquences.
1.2.2 Les tiers ne peuvent pas contester la décision de la division d’examen qui accorde la limitation sollicitée
N’étant pas partie à cette instance[19] sur requête en limitation, les tiers ne pourront pas contester la décision de la division d’examen qui accueillera la limitation, qui, sous réserve des traductions et du paiement des taxes[20] par le requérant, deviendra effective.
Aucune possibilité de contestation en faveur des tiers n’ait prévu lors de la publication de la décision de limitation[21] du brevet européen.
1.2.3 Il est probable que les tiers n’auront pas connaissance des requêtes en limitation qui ne seraient pas acceptables par l’Office
En cas de rejet, la décision de la division d’examen est également inscrite au Registre Européen des Brevets[22]. Mais le requérant recherchera sans doute à éviter une telle décision. En effet, le contenu de cette requête même rejetée et les griefs de la division d’examen[23] présentent un grand intérêt pour les tiers. A la lecture de ces documents, ils comprendront dans quel sens le breveté entend réorienter son titre et, le cas échéant, deviner à quelle exploitation son titulaire se prépare à l’opposer.
Le requérant à la lecture de la seule notification que lui adressera en réponse la division d’examen, appréciera le risque de voir refuser sa requête. Afin d’éviter la seule mesure de publicité prévue, il aura tout avantage à renoncer à sa requête afin d’éviter que la division d’examen ne rende sa décision et qu’elle soit inscrite, quitte ultérieurement à présenter une nouvelle requête.
1.2.4 Les tiers risquent pendant toute la durée de validité d’un des brevets nationaux de voir apporter des modifications aux brevets européens avec un effet rétroactif à la date de sa demande
Même si le requérant a eu gain de cause, il peut présenter une nouvelle requête en limitation, le référentiel n’étant plus cette fois le brevet délivré ou modifié après la procédure d’opposition mais le brevet antérieurement limité.
En cas de rejet, le requérant peut faire appel de la décision de la division d’examen devant la chambre de recours, ce qui peut différer la date à laquelle la limitation du brevet sera publiée. Il peut éventuellement, s’il le souhaite, présenter une autre requête en limitation devant la division d’examen. Le titulaire du brevet est donc à même de minorer le risque de toute annulation, à l’opposé des tiers que cette situation place dans une incertitude permanente puisque la limitation du brevet a un effet rétroactif à la date de la demande du brevet européen[24] pour l’ensemble des brevets nationaux.
Pendant la durée de validité du brevet, son titulaire peut également dans le cadre d’une procédure nationale limiter son seul titre national.
2 La limitation du brevet lors d’une instance judiciaire nationale pour eviter l annulation du titre
La CBE 2000 n’accorde à cette procédure nationale en limitation du brevet national délivré par la voie européenne[25] qu’un seul article. La limitation du brevet national obtenue par la voie européenne ne nécessitera pas une nouvelle intervention du législateur pour qu’en bénéficent les titulaires des titres français d’origine européenne.
Le point 2 de l’article 138 nouveau[26] prévoyant que « le brevet ….est déclaré partiellement nul » retient encore l’intervention du juge nationale mais le point 3 du même article dispose aussi que « le titulaire du brevet est habilité à limiter le brevet en modifiant des revendications » et précise « le brevet ainsi limité sert de base à la procédure ».
Dans ces deux cas de l‘article 138, la limitation du brevet par le juge ou à l’initiative de son titulaire ne sont possible que lors d’une procédure devant la juridiction[27] compétente concernant la validité du brevet.
2.1 L’article 138 ne prévoit pas la modification de la description ou des dessins
Si l’article 138 (2) actuel prévoit bien la possibilité de limiter non seulement les revendications mais également la description et les dessins, ces deux dernières indications ne sont plus reprises aux points 2 et 3 de cet article 138 de la CBE 2000[28]. Sauf dispositions spécifiques des législations nationales[29], les seules modifications possibles du brevet national issu de la voie européenne porteront donc sur les revendications.
2.2 L’écriture de la revendication appartient au juge
Le rôle du juge demeure essentiel. Si la CBE 2000 prévoit que le titulaire peut de lui-même limiter les revendications de son brevet, il est probable que cette limitation apparaisse insuffisante à celui auquel ces revendications sont opposées et qui a demandé l’annulation du brevet.
Dans ce cas, le juge qui prononcera l’annulation partielle du brevet sera amené par sa décision à écrire les revendications limitées au regard des prétentions respectives des parties au litige.
2.3 L’effet de cette limitation
La limitation des revendications par le juge ne s’appliquera-t-elle qu’aux parties au litige ou bien, la décision devenue définitive, aura-t-elle valeur erga omnes ?
On devine aisément qu’un titulaire de brevet n’ait désiré limiter sa revendication dans un litige qu’au regard de la contrefaçon spécifique qu’il poursuivait et qu’il souhaite conserver la faculté de revenir aux revendications initiales. A l’opposé, les tiers souhaiteront bénéficier de cette limitation, dont ils auront pu avoir connaissance si l’une ou l’autre des parties à penser à en demander la publicité au Registre National des Brevets [30]. Mais certains concurrents verront dans cette prétendue limitation un leurre. Ne faut-il pas craindre que des parties s’accordent sur l’écriture de nouvelles revendications en réalité plus fortes pour les opposer à un 3ème concurrent ? Si la pratique venait à révéler de tels cas, ce serait tout accord passé entre les parties à une action en nullité de brevet et qui conduit à une nouvelle écriture des revendications, qui deviendrait suspect, le contentieux de l’annulation du brevet laissant alors la place à celui du droit de la concurrence.
Même bien après leur délivrance et la procédure d’opposition achevée, la surveillance des brevets européens de ses concurrents devra redoubler avec la CBE 2000 surtout quand le brevet aura été limité.
Philippe Schmitt
Avocat à Paris
[1] Edition spéciale n° 1 JO OEB, 2007
[2] Voir l’avant-propos en page 1 du numéro spécial précité du JO OEB. Pour la France, voir le projet de loi autorisant la ratification de l‘acte portant révision de la Convention sur la délivrance de brevets européens, présenté au nom de M. François Fillon , Premier Ministre, par M. Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes. PIBD, n° 857-I-79
[3] Codifiée à l’article L 613-27 du C.P.I
[4] Article 7 de l’acte portant révision de la CBE en date du29 novembre 2000 et décision du Conseil d’Administration du 28 juin 2001 relative aux dispositions transitoires. Edition spéciale n° 1 JO OEB, 2007, p 196 et suivantes
[5] L’orientation de cet article n’a pas permis d’examiner la situation des licenciés du breveté qui procède à la limitation de son titre
[6] Lors de la procédure d’opposition, le titulaire du brevet peut déjà dans la version actuelle de la Convention limiter son brevet.
[7] Se trouve ici un parallélisme certain avec la procédure d’opposition, où le titulaire du brevet peut de lui-même modifier la description, les dessins et les revendications. Voir notamment la Règle 81 de la CBE 2000
[8] Au regard de la règle 92 il peut s’agir des revendications du brevet tel que délivré ou tel que modifié après une procédure d’opposition, ou encore après une précédente limitation
[9] Article 84
[10] Article 123, 2)
[11] Article 123, 3)
[12] Article 69, 2)
[13] L’existence d’une procédure d’opposition interdit pendant son déroulement une procédure en limitation ( Règle 93, 1)) . La CBE 2000 prévoit d’ailleurs dans un tel cas la restitution de la taxe payée par le requérant
[14] Cet article 51,5 de la convention de Luxembourg sur le brevet communautaire prévoit la suspension de la procédure de l’imitation jusqu’à ce que la demande en nullité « ait donnée lieu à une décision passée en force de chose jugée »
[15] Lors de l’examen de la demande et dès sa publication, tout tiers peut adresser des observations auprès de l’office. Dans les 9 mois qui suivent la publication de la délivrance du brevet européen, tout tiers[15] peut s’opposer à ce brevet. En ce qui concerne un présumé contrefacteur, même si le délai d’opposition est passé, il pourra intervenir à l’opposition dans les termes de l’article 105.
[16] Règle 91 et suivantes
[17] Règle 92 2) point c)
[18] Article 105 ter 3)
[19] Article 107
[20] Règles 95, 3)
[21] Article 105 ter
[22]La décision sur requête est inscrite au registre européen des brevets, Règle 143 point x
[23] La division d’examen n’adresse qu’une seule notification au requérant qui s’il ne s’y conforme pas voit sa requête rejetée
[24] Article 69, 2)
[25] Plusieurs raisons possibles. Ou bien la procédure étant nationale, elle échappe à la compétence de la Convention, et les solutions pratiques dégagées dans les pays qui avaient mis en œuvre l’option de l’article 138 actuel, n’ont pas posé de difficulté qui ait dû être solutionnée au niveau européen. Ou bien encore, les rédacteurs de la CBE 2000 estiment peut-être que la limitation du brevet devant l’Office exercera un très fort pouvoir d’attraction marginalisant les voies nationales. A se reporter au document de l’O.E.B. CA/PL 19/00 en date du 7 mars 2000 du Président de l’Office au Comité ‘Droit des brevets », il faut se rappeler que « les articles 2 (2) et 138 CBE permettent de déclarer nul un brevet européen en vertu de la législation d’un État contractant et avec effet sur le territoire de cet État uniquement dans des conditions étroitement définies. Il s’ensuit qu’une annulation est seulement possible en présence d’un des motifs de nullité énumérer exhaustivement à l’article 138 ( 1).Si ces motifs n’affectent le brevet qu’en partie, l’article 138 (2) CBE limite la compétence des Etats contractants en matière d’annulation du brevet européen. Dans de tels cas, seule une annulation partielle sous forme d’une limitation du brevet est possible.
… Les conditions de fond et les modalités de l’annulation d’un brevet européen dans le cadre d’une procédure nationale correspondent donc (mis à part les motifs particuliers de nullité que sont l’extension inadmissible de la protection et le fait que le titulaire du brevet est pas une personne habilitée) aux conditions de révocation de brevet en tout ou partie prévues par la Convention dans le cadre de la procédure européenne d’opposition ( cf. articles 100 et 102)…. ». À propos de l’autolimitation il est précisé « qu’en ce qui concerne les procédures nationales de nullité, cette possibilité découle le plus souvent des principes généraux de procédure, selon lesquels il n’y a lieu de statuer, dans de telles procédures, que dans les limites des demandes présentées par les parties »
[26] Le point 1 de l’article 138 a été également modifié
[27] L’article 138 point 3 prévoit aussi cette possibilité devant l’administration mais en France, le contentieux de la validité du brevet appartient aux seules juridictions
[28] Le document précité CA/PL 19/00 proposait que la limitation intervienne « compte tenu des modifications apportées par le titulaire au cours de la procédure de nullité »
[29] La possibilité que des dispositions nationales puissent à elles seules modifier la description d’un brevet national issu d’une demande européenne et ses dessins, même en limitant la portée de ce brevet, dépasse le cadre de cet article. Par hypothèse, il s’agirait de modifier la description d’un titre national et non toutes celles de tous les brevets nationaux accordés
[30] Par exemple par l’article 613-9 du C.P.I