La Commission a la charge d’autoriser les allégation de santé, mais quelle pouvoir d’appréciation a-t-elle des avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ?

La Cour de justice dans son arrêt du 8 juin apporte la réponse.

  • Bref rappel des dispositions en cause

Le règlement n° 1924/2006 du 20 décembre 2006 entend interdire les allégations de santé sauf si elles bénéficient des exceptions prévues audit texte ou encore si elles figurent sur la liste des allégations autorisées.

Son article 2, point 5 définit une allégation de santé : « toute allégation qui affirme, suggère, ou implique l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé ».

L’article 28 point 2 prévoit notamment au titre des exceptions, les produits dont la marque est antérieure au 1er janvier 2005.

 Le règlement du 16 mai 2012,  n° 432/2012, établit une liste des allégations de santé autorisées.

Par son règlement du 6 janvier 2015, la Commission refuse différentes demandes d’allégations de santé en rapport avec le sucre.

 Le 16 mars 2016, l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne  rejette un recours contre la décision de la Commission de refuser l’autorisation de cinq nouvelles allégations de santé. L’arrêt est .

Le 8 juin 2017, la Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi contre cet arrêt. L’arrêt du 8 juin 2017 est .

Initialement car elles ont été modifiées en cours de procédure, ces cinq demandes d’autorisation d’allégations de santé étaient les suivantes :

  • « le glucose est métabolisé dans le cadre du métabolisme énergétique normal de l’organisme » ; la population cible était constituée de la population en général ;
  •  « le glucose soutient l’activité physique » ; la population cible était constituée d’hommes et de femmes actifs en bonne santé et bien entraînés à l’endurance ;
  •  « le glucose contribue au bon fonctionnement du métabolisme énergétique » ; la population cible était constituée de la population en général ;
  •  « le glucose contribue au bon fonctionnement du métabolisme énergétique au cours de l’activité physique » ; la population cible était constituée d’hommes et de femmes actifs en bonne santé et bien entraînés à l’endurance ;
  •  « le glucose contribue à une fonction musculaire normale au cours de l’activité physique » ; la population cible était constituée d’hommes et de femmes actifs en bonne santé et bien entraînés à l’endurance.

La procédure se réfère aux avis et rapports techniques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

A l’arrêt, la motivation du refus de la Commission est fondée sur les considérations suivantes :

« Conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement […] n° 1924/2006, les allégations de santé doivent reposer sur des preuves scientifiques généralement admises. L’autorisation peut aussi être légitimement refusée si l’allégation de santé concernée ne respecte pas d’autres exigences générales et spécifiques du règlement […] n° 1924/2006, même si l’[EFSA] a rendu une évaluation scientifique positive. Une allégation de santé ne peut être incompatible avec les principes nutritionnels et de santé généralement admis. L’[EFSA] a conclu qu’un lien de cause à effet avait été établi entre la consommation de glucose et le bon fonctionnement du métabolisme énergétique. Toutefois, le recours à une telle allégation de santé enverrait un message contradictoire et ambigu aux consommateurs, car il encouragerait la consommation de sucres, dont les autorités nationales et internationales recommandent de réduire la consommation, sur la base d’avis scientifiques généralement admis. Par conséquent, une telle allégation n’est pas conforme à l’article 3, deuxième alinéa, [sous] a), du règlement […] n° 1924/2006, qui prévoit que les allégations ne peuvent être ni ambiguës ni trompeuses. De plus, même si cette allégation de santé n’était autorisée que dans des conditions d’utilisation spécifiques et/ou était accompagnée de mentions ou d’avertissements supplémentaires, le message n’en serait pas moins confus pour le consommateur et, partant, cette allégation ne devrait pas être autorisée. »

L’arrêt de la Cour de justice du 8 juin 2017 est encore plus explicite.

  • La Cour rappelle les avis favorable donnée par l’EFSA l’Autorité [européenne de sécurité des aliments :

16      Dans son avis relatif à l’allégation selon laquelle « le glucose est métabolisé dans le cadre du métabolisme énergétique normal de l’organisme », l’EFSA a conclu que, sur la base des données présentées, un lien de cause à effet avait été établi entre la consommation de glucose et la contribution au métabolisme énergétique. Elle a également constaté que les termes « le glucose contribue au métabolisme énergétique » reflétaient les preuves scientifiques et qu’un aliment, pour porter cette allégation, devait être une source significative de glucose. À cet égard, elle a rappelé que les apports glucidiques de référence à des fins d’étiquetage avaient été fixés dans le règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18), et que la population cible était la population en général.

17      S’agissant des quatre autres allégations de santé, telles que modifiées selon les propositions de Dextro Energy ou acceptées par cette dernière, l’EFSA a conclu, dans ses avis scientifiques se rapportant à chacune de ces allégations, sur la base des données produites par cette entreprise, que les effets allégués se référaient à la participation du glucose au métabolisme énergétique, dont l’évaluation avait déjà donné lieu à un résultat positif.

  • Le règlement ne lie pas la Commission à l’avis de l’Agence européenne. 

3        L’article 13, paragraphes 3 et 5, du règlement no 1924/2006 prévoit :

« 3.      Après consultation de l’Autorité [européenne de sécurité des aliments (EFSA)], la Commission adopte, en conformité avec la procédure de réglementation avec contrôle visée à l’article 25, paragraphe 3, une liste communautaire destinée à modifier des éléments non essentiels du présent règlement en le complétant, des allégations autorisées visées au paragraphe 1 ainsi que toutes les conditions nécessaires pour l’utilisation de ces allégations, au plus tard le 31 janvier 2010.

[…]

5.      Tout ajout d’allégations à la liste visée au paragraphe 3 qui est basé sur des preuves scientifiques nouvellement établies et/ou contient une demande de protection des données relevant de la propriété exclusive du demandeur est adopté suivant la procédure établie à l’article 18 […]. »

4        L’article 16, paragraphe 3, de ce règlement dispose :

« Pour élaborer son avis, l’[EFSA] vérifie :

a)      si l’allégation de santé se fonde sur des preuves scientifiques ;

b)      si le libellé de l’allégation de santé répond aux critères énoncés dans le présent règlement. »

5        Aux termes de l’article 17, paragraphe 5, dudit règlement :

« Les allégations de santé figurant sur les listes prévues aux articles 13 et 14 peuvent être utilisées, conformément aux conditions qui leur sont applicables, par tout exploitant du secteur alimentaire si leur emploi n’est pas restreint conformément aux dispositions de l’article 21 [concernant la protection des données]. »

6        L’article 18, paragraphe 4, du même règlement prévoit :

« Si, après évaluation scientifique, l’[EFSA] rend un avis favorable à l’inclusion de l’allégation dans la liste visée à l’article 13, paragraphe 3, la Commission statue sur la demande en tenant compte de l’avis de l’[EFSA], de toutes les dispositions applicables de la législation communautaire ainsi que d’autres facteurs légitimes et pertinents pour la question à l’examen, après avoir consulté les États membres et dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis de l’[EFSA]. »

  •   Le considérant 14 du règlement 2015/8 prévoit expressément que la Commission peut aller à l’encontre de l’avis de l’agence

« Conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1924/2006, les allégations de santé doivent reposer sur des preuves scientifiques généralement admises. L’autorisation peut aussi être légitimement refusée si l’allégation de santé concernée ne respecte pas d’autres exigences générales et spécifiques du règlement no 1924/2006, même si l’[EFSA] a rendu une évaluation scientifique positive. Une allégation de santé ne peut être incompatible avec les principes nutritionnels et de santé généralement admis. L’[EFSA] a conclu qu’un lien de cause à effet avait été établi entre la consommation de glucose et le bon fonctionnement du métabolisme énergétique. Toutefois, le recours à une telle allégation de santé enverrait un message contradictoire et ambigu aux consommateurs, car il encouragerait la consommation de sucres, dont les autorités nationales et internationales recommandent de réduire la consommation, sur la base d’avis scientifiques généralement admis. Par conséquent, une telle allégation n’est pas conforme à l’article 3, deuxième alinéa, point a), du règlement no 1924/2006, qui prévoit que les allégations ne peuvent être ni ambiguës ni trompeuses. De plus, même si cette allégation de santé n’était autorisée que dans des conditions d’utilisation spécifiques et/ou était accompagnée de mentions ou d’avertissements supplémentaires, le message n’en serait pas moins confus pour le consommateur et, partant, cette allégation ne devrait pas être autorisée. »

  • La commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui n’échappe pas au contrôle juridictionnel

44      En premier lieu, s’agissant du premier moyen, il y a lieu de rappeler que, aux points 30 et 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans un domaine, tel que celui prévu par le règlement n° 1924/2006, qui implique de sa part des choix de natures politique, économique et sociale, et dans le cadre duquel elle est appelée à effectuer des appréciations complexes. Le Tribunal a ajouté que, dans ce cadre, le contrôle du juge de l’Union devrait se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.


46      En effet, la reconnaissance à la Commission d’un tel pouvoir d’appréciation ne fait pas obstacle à l’exercice d’un contrôle juridictionnel des actes pris par cette institution, mais permet précisément d’effectuer ce contrôle dans le cadre d’une marge du pouvoir ainsi reconnu.

  • Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commission est soumise au principe de proportionnalité dont seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée peut conduire le juge à l’annuler 

49      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions de la mise en œuvre dudit principe, il y a lieu de reconnaître au législateur de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans un domaine tel que celui de l’espèce, qui implique de sa part des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lequel il est appelé à effectuer des appréciations complexes ….

50      Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure ……