Une marque ne peut pas être composée de la dénomination variétale, mais une dénomination variétale utilisée comme terme générique peut figurer dans une demande de marque. C’est l’enseignement de l’arrêt du 18 juin 2019 du Tribunal de l’Union dans l’affaire T-569/18 . L’arrêt

Brièvement la chronologie

26 septembre 2016 : dépôt de la demande de marque : Kordes’ Rose Monique.

Pour : « Roses et rosiers ainsi que produits favorisant la multiplication des roses ».

3 octobre 2016 : publication de la demande de marque.

2 janvier 2017 : observations de tiers, la dénomination Monique avait été enregistrée comme  dénomination variétale  le 15 mai 2001, aux Pays-Bas  et était protégée en tant que variété végétale pour des roses, jusqu’au 7 juillet 2005.

5 juillet 2017 : rejet par l’EUIPO de la demande d’enregistrement.  L’examinateur a, en outre, considéré que ladite disposition s’appliquerait également pour les dénominations variétales dont la protection a expiré.

5 septembre 2017 : recours du déposant

12 juillet 2018 : la première chambre de recours de l’EUIPO rejette le recours.

L’affaire vient devant le Tribunal de l’Union qui rend sa décision le 18 juin 2019.

(Cet arrêt se réfère à l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, disposition qui n’apparait pas audit règlement )

Monique constitue-t-elle la dénomination variétale et de ce seul fait , l’enregistrement de la marque doit-il être refusé ?

30      Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen, à l’aune de la disposition susmentionnée, d’une marque se composant, comme en l’espèce, de plusieurs éléments verbaux dont l’un d’eux reproduit une dénomination variétale, il y a lieu de tenir compte de l’exigence de disponibilité des dénominations variétales. Partant, il importe de déterminer si l’enregistrement de la marque demandée entrave la libre utilisation de la dénomination variétale contenue dans cette marque.

La présence en tant que telle dans la marque demandée de la dénomination variétale n’est pas suffisante pour rejeter la demande d’enregistrement de la marque

31      Pour ce faire, il convient d’établir si la dénomination variétale en cause occupe une position essentielle dans la marque complexe demandée, de telle sorte que la fonction essentielle d’origine de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits ou des services en cause, repose sur cette dénomination variétale et non sur les autres éléments qui composent la marque complexe demandée. Si tel est le cas, l’enregistrement de cette dernière viendrait entraver la libre utilisation de ladite dénomination variétale. En effet, la protection se rattachant à cette marque complexe ne permettrait plus à d’autres entreprises d’utiliser également la dénomination variétale et de l’enregistrer comme un élément de leurs propres marques. En revanche, s’il ressort de la marque complexe demandée que sa fonction essentielle d’origine ne se fonde pas sur la dénomination variétale, mais sur les autres éléments de la marque, l’exigence de disponibilité des dénominations variétales est préservée, de sorte qu’elle ne s’oppose pas à l’enregistrement de cette marque.

Les critères à prendre en compte pour apprécier la place de la dénomination variétale dans la  demande de marque

32      Afin de déterminer si la fonction essentielle d’origine de la marque demandée, et, partant, son aptitude à l’enregistrement, au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, repose sur la dénomination variétale ou sur les autres éléments qui composent cette marque, il convient de recourir à des critères tels que, notamment, le caractère distinctif des autres éléments, le message véhiculé par la marque demandée dans son ensemble, la domination visuelle des différents éléments par leur taille et leur position, ou encore le nombre d’éléments composant ladite marque. Conformément à ces critères, la dénomination variétale en cause ne saurait constituer un « élément essentiel » de la marque demandée, au sens de ladite disposition, si la fonction essentielle d’origine de cette marque se fonde sur les autres éléments qui la composent, de sorte que cette dénomination variétale se réduit, dans la marque demandée, à une indication purement générique contenue dans cette marque uniquement dans un but d’information. Dans un tel cas, la ladite dénomination demeure libre d’utilisation.

Application pratique : le Tribunal n’aurait-il pas retenu que « Monique » parce que désignant  la dénomination variétale est nécessairement générique ?

33      En l’espèce, eu égard auxdits critères énoncés au point 32 ci-dessus, il convient de constater, premièrement, que l’unique élément distinctif de la marque demandée est l’élément verbal « kordes ». En effet, cet élément « kordes », lequel représente le nom de l’entreprise d’où proviennent les produits en cause, permet d’identifier l’origine commerciale des produits et de garantir ainsi, à lui seul, la fonction essentielle d’origine de la marque. De plus, la marque du génitif accolée audit élément exprime précisément l’idée que la rose ayant la dénomination variétale Monique est une variété commercialisée par différentes entreprises, mais que, en l’espèce, cette rose provient de l’entreprise Kordes. L’élément verbal « rose », adjoint à l’élément « kordes », est un simple élément supplémentaire, relatif à une variété, descriptif des produits en cause. La dénomination variétale Monique constitue, quant à elle, une désignation générique, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la convention UPOV, qui peut être librement utilisée par d’autres entreprises.

34      En outre, il convient de constater, deuxièmement, que le « message » véhiculé par la marque demandée dans son ensemble met l’accent sur l’élément « kordes ». En effet, cette marque exprime l’idée que les produits en cause proviennent précisément de l’entreprise Kordes.

35      Par ailleurs, il convient de constater, troisièmement, que l’élément « kordes » ne passe pas visuellement au second plan derrière les termes « rose monique ». Au contraire, l’élément « kordes » se situe en première position dans la marque demandée et il se perçoit en premier à la lecture. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, comme en l’espèce, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin. …..Dès lors, l’élément « kordes » est susceptible de retenir davantage l’attention du public pertinent et constitue donc l’élément dominant de la marque demandée.

36      Il s’ensuit que, eu égard aux critères énoncés au point 32 ci-dessus, il y a lieu de constater que le seul élément distinctif et dominant de la marque demandée est l’élément « kordes », sur lequel se fonde exclusivement la fonction essentielle d’origine de cette marque. La dénomination variétale Monique contenue dans ladite marque, quant à elle, ne saurait aucunement constituer un « élément essentiel » de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. En effet, cette dénomination reste libre d’être utilisée, en tant que dénomination variétale, par d’autres entreprises, éventuellement placée à côté de leur nom, dans le cadre d’une demande de marque. Dès lors, l’exigence de disponibilité de la dénomination variétale Monique, contenue dans la marque demandée, est préservée, de sorte qu’elle ne s’oppose pas à l’enregistrement de cette marque.

37      En conséquence, il y a lieu de considérer que, en refusant l’enregistrement de la marque demandée, au motif que la dénomination variétale Monique constituait un « élément essentiel » de cette marque, la chambre de recours a commis une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009.

La décision de la Chambre de recours est annulée.