En l’absence de signes réservés, l’impossibilité de rendre obligatoire l’indication d’origine pour les produits alimentaires

L’importance des signes réservés comme les indications de provenance ou des appellations d’origine enregistrées pour rendre obligatoire l’indication de l’origine géographique des produits alimentaires vient de connaître une belle illustration.

Par son arrêt du 10 mars 2021, le Conseil d’Etat qui avait interrogé la Cour de justice à propos du règlement  1169/2011 et dont la décision sur ces questions préjudicielles est intervenue le 1er octobre 2020,  annule un décret en ce qu’il rend obligatoire sur les emballages l’indication du pays d’origine du lait.  Les deux arrêts CJUE et Conseil d’Etat

L’article 39 du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires,

….

  1. En application du paragraphe 1, les États membres ne peuvent introduire des mesures concernant l’indication obligatoire du pays d’origine ou du lieu de provenance des denrées alimentaires que s’il existe un lien avéré entre certaines propriétés de la denrée et son origine ou sa provenance. Lorsqu’ils communiquent ces mesures à la Commission, les États membres apportent la preuve que la majorité des consommateurs attachent une importance significative à cette information. »

Le 1er octobre 2020, la Cour de justice interrogée par le Conseil d’Etat précise que ce « lien avéré » doit avoir un contenu objectif (et pas seulement subjectif  : la perception par la majorité des consommateurs) :

2)      L’article 39 du règlement no 1169/2011 doit être interprété en ce sens que, en présence de mesures nationales qui seraient justifiées, au regard du paragraphe 1 de cet article, par la protection des consommateurs, les deux exigences prévues au paragraphe 2 dudit article, à savoir l’existence d’un « lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance », d’une part, et « la preuve que la majorité des consommateurs attache une importance significative à cette information », d’autre part, ne doivent pas être appréhendées de façon combinée, de telle sorte que l’existence de ce lien avéré ne peut pas être appréciée en se fondant seulement sur des éléments subjectifs, tenant à l’importance de l’association que les consommateurs peuvent majoritairement faire entre certaines propriétés de la denrée alimentaire concernée et son origine ou sa provenance.

Dans cette affaire où est en cause la légalité du décret no 2016‑1137, du 19 août 2016, relatif à l’indication de l’origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédient, se pose la question de la preuve de ce « lien avéré entre certaines propriétés d’une denrée alimentaire et son origine ou sa provenance »,

Le 10 mars le Conseil d’Etat constate l’absence de cette preuve par le gouvernement français :

...il ressort des pièces du dossier que le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans les mémoires qui ont été produits tant avant qu’après l’arrêt du 1eroctobre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne, a exclusivement justifié les dispositions contestées des décrets attaqués par l’importance que la majorité des consommateurs attachent, d’après des sondages, à l’existence d’une information sur l’origine ou la provenance du lait, compte tenu du lien qui existe, selon eux, entre celles-ci et certaines propriétés de cette denrée alimentaire. Lors de l’audience d’instruction qui s’est tenue le 19 janvier 2018, l’administration a, ainsi, indiqué qu’en dehors de cette approche subjective, il n’y a pas, objectivement, de propriété du lait qui puisse être reliée à son origine géographique, y compris selon que le lait est produit ou non dans un Etat membre de l’Union européenne.

Par cette décision « Les décrets des 19 août 2016, 24 décembre 2018 et du 27 mars 2020 relatifs à l’indication de l’origine du lait et du lait et des viandes utilisés en tant qu’ingrédient sont annulés en tant qu’ils portent sur le lait et le lait utilisé en tant qu’ingrédient ».

Chacun relèvera qu’à l’article 39, les Etats peuvent exiger des indications supplémentaires sans suivre la condition du point 2°à savoir notamment  pour  » la protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d’origine enregistrées… »