Appréciation du risque de confusion entre un modèle communautaire et une marque internationale antérieure visant la France

Un modèle communautaire enregistré peut-il porter atteinte à une marque antérieure représentant la forme d’un produit ? Réponse avec l’arrêt du 3 octobre 2017 du Tribunal de l’Union.L’arrêt est

  • Les signes en cause

15 novembre 2017 : BMB obtient l’enregistrement du modèle communautaire pour désigner « des drageoirs et récipients »

La marque internationale antérieure du 12 mars 1974 qui désigne la France :Cette marque antérieure est enregistrée pour : « sucreries »

  • Les décisions antérieures de l’Office

11 juillet 2011, Ferrero SpA demande à l’EUIPO (anciennement OHMI) la nullité du modèle

25 avril 2012 : la division d’annulation de l’EUIPO annule le modèle.

21 juin 2012 : recours de BMB devant la Chambre de recours de l’EUIPO.

8 septembre 2015 : La Chambre de recours rejette le recours et confirme la nullité du dessin ou modèle.

BMB saisit le Tribunal qui rend son arrêt le  3 octobre 2017.

L’appréciation selon l’article L713-3 du code français du Code de la propriété intellectuelle

18      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a fondé sa décision sur une base légale incorrecte dans la mesure où celle-ci reposerait sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], et non sur l’article L713-3 du code français de la propriété intellectuelle, qui constituerait la disposition applicable en l’espèce. Elle soutient que l’application dudit règlement au cas d’espèce viole l’obligation de motivation figurant à l’article 62 du règlement n° 6/2002.

19      L’EUIPO soutient que la chambre de recours a apprécié les faits de l’espèce au regard de l’article L713-3 du code français de la propriété intellectuelle. Il concède que l’unique référence à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 dans la décision attaquée constitue une erreur formelle, mais conteste que cette raison puisse justifier l’annulation de cette décision. Selon l’EUIPO, la requérante n’a, en tout état de cause, pas avancé que cette référence erronée avait eu une influence déterminante quant à la solution du litige, ce qui rend son moyen inopérant et insuffisant pour justifier l’annulation de la décision attaquée.

20      En l’espèce, force est de constater que le premier moyen doit être interprété par le Tribunal comme étant tiré d’une base juridique incorrecte et non d’une violation de l’obligation de motivation.

21      Les motifs pour déclarer un dessin ou modèle communautaire nul sont repris de manière exhaustive à l’article 25 du règlement n° 6/2002. L’article 25, paragraphe 1, sous e), dudit règlement prévoit qu’un dessin ou modèle peut être déclaré nul s’il est fait usage d’un signe distinctif dans un dessin ou modèle ultérieur et que le droit de l’Union européenne ou la législation de l’État membre concerné régissant ce signe confère au titulaire du signe le droit d’interdire cette utilisation.

22      Il en découle que la base juridique correcte aux fins de statuer sur la demande en nullité introduite par l’intervenante sur le fondement de l’enregistrement international antérieur était l’article L713-3 du code français de la propriété intellectuelle, qui confère à cette dernière, en tant que titulaire d’un enregistrement international désignant la France, le droit d’interdire l’usage du dessin ou modèle contesté.

Le litige est traité comme un litige entre deux marques

31…   De façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel..

32 De plus, le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il garde en mémoire. Il convient également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause .

33      Enfin, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par la forme du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques.

34      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

  • Le public pertinent

37      …. les produits en cause étant des confiseries, le niveau d’attention de ce public est plutôt faible

38      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que le niveau d’attention du public pertinent, en raison du petit prix et de la nature fréquente de l’achat de telles confiseries, était plutôt faible.

  •  Sur les éléments distinctifs et dominants : les arêtes

43      …., il convient de constater que les lignes le long du récipient délimitent la forme dudit récipient, indiquent seulement deux arêtes et ne servent pas à souligner l’importance d’une partie donnée. Elles ne sont pas susceptibles de s’imposer à la perception du consommateur et d’être gardées en mémoire par celui-ci.

44      Par conséquent, l’argument de la requérante concernant l’impact des arêtes sur l’impression d’ensemble produite par l’enregistrement international doit être rejeté puisqu’elle n’a pas établi que la chambre de recours avait commis une erreur en estimant qu’elles ne constituaient pas un élément dominant de celui-ci.

  • Le rôle de l’étiquette

46      Elle a estimé, au point 32 de la décision attaquée, que l’étiquette n’est pas un détail négligeable, mais demeure néanmoins un simple détail, dans la mesure où cette dernière sera perçue comme une simple étiquette collée sur un récipient contenant des sucreries. Par conséquent, elle a constaté que ni l’étiquette du dessin ou modèle contesté, ni le logo MIK MAKI ne dominerait l’impression d’ensemble produite par le dessin ou modèle contesté en éclipsant l’impact de la boîte tridimensionnelle.

47      En ce qui concerne le fait que le dessin ou modèle contesté ne représente pas une boîte de forme parallélépipédique, la chambre de recours a constaté que cette particularité n’apparaîtrait pas immédiatement et ne serait pas susceptible d’affecter la perspective qu’aurait le consommateur moyen.

48      Partant, les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’étiquette du dessin ou modèle contesté et les mots y figurant seront considérés par le public pertinent comme n’éclipsant pas l’impact de la boîte tridimensionnelle et n’affectant pas la perspective qu’en aura le consommateur moyen.

  • La présence des bonbons dans le modèle enregistré est-elle pertinente ?

52      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir la requérante, et comme la chambre de recours l’a, à juste titre, constaté au point 27 de la décision attaquée, le fait que le dessin ou modèle contesté soit représenté rempli de sucreries ne peut constituer un point de comparaison visuel pertinent, puisque le dessin ou modèle contesté est enregistré simplement pour la boîte ou le récipient contenant ces sucreries et qu’il est évident que l’enregistrement international antérieur a également été enregistré pour être rempli de sucreries.

53      En outre, en ce qui concerne les éléments dominant l’impression d’ensemble produite par le dessin ou modèle contesté, les sucreries ne sont pas un composant déterminé dudit enregistrement pouvant être pris en compte. La chambre de recours n’a mentionné les sucreries à l’intérieur de la boîte non pas en tant que composant, mais comme un facteur parmi d’autres qui contredisait le fait que l’élément verbal est le seul élément dominant. Par conséquent, il n’existe aucune contradiction ou erreur dans cette appréciation.

  • En l’absence d’éléments verbaux à la marque antérieure, les parties verbales de la représentation du modèle doivent-elles être prises en compte ?

56 Toutefois, eu égard à leur importance secondaire, ces différences ne peuvent l’emporter sur les similitudes relevées entre le dessin ou modèle contesté et l’enregistrement international antérieur. En effet, compte tenu de la jurisprudence rappelée ci-dessus, selon laquelle le public ne garde en mémoire qu’une image imparfaite du signe, le consommateur ne percevra pas les différences mentionnées si les formes lui sont présentées à des moments différents . ….. La chambre de recours a donc, à juste titre, constaté que les deux signes étaient hautement similaires sur le plan visuel.

57      Contrairement à ce qu’avance la requérante, la chambre de recours n’a pas ignoré les éléments verbaux du dessin ou modèle contesté et les a, au contraire, inclus dans son appréciation. Cependant, compte tenu de l’absence d’éléments verbaux dans l’enregistrement international, elle a conclu, à juste titre, au point 29 de la décision attaquée, qu’aucune comparaison phonétique entre les signes ne pouvait être réalisée .

58      La requérante soutient que la chambre de recours se serait bornée à établir que la similitude conceptuelle suffisait pour constater l’existence d’un risque de confusion. Comme la chambre de recours l’a toutefois constaté au point 30 de la décision attaquée, une comparaison conceptuelle est également impossible puisque les enregistrements en conflit sont dépourvus de toute signification.

59      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, que les signes en conflit présentaient des similitudes visuelles importantes et qu’aucune comparaison sur les plans phonétique et conceptuel n’était possible.

  • Un risque de confusion au regard d’un signe antérieur faible

62      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que, dans la mesure où les produits en cause présentent un degré de similitude au moins élevé et où les signes en conflit sont similaires, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’existence d’un risque de confusion, quand bien même le caractère distinctif de l’enregistrement international antérieur est faible.