Le déposant dont la marque manque de distinctivité,  lui ajoute un visuel pour tenter de la sauver, mais cette démarche est souvent vaine comme la montre l’arrêt du Tribunal du 15 mars 2018.

La demande de marque européenne dont la validité est contestée a été déposée le 13 mai 2015.

Le signe de cette marque : Cette demande de marque désigne différents services :

–        classe 38 : « Fourniture d’accès à Internet pour des tiers ; services de courrier électronique ; services d’échange de données » ;

–        classe 42 : « Mise à disposition d’espaces de mémoire sur Internet ; mise à disposition de stockage en ligne ; services de sécurité informatique pour accès protégés à Internet ; conception de systèmes informatiques ; mise à disposition d’une plateforme Internet pour l’échange de données ».

14 octobre 2015 : l’examinateur rejette cette demande de marque

27 janvier 2017 : la Chambre de recours de l’EUIPO rejette le recours en  considérant que « les éléments verbaux de la marque demandée se traduiraient littéralement par « espace de données sécurisé » et qu’ils décriraient ainsi l’espèce, l’objet ou la destination des services concernés (points 19, 21 et 22 de la décision attaquée) » . a propos de l’élément figuratif de cette demande de marque, la chambre considère qu’il est  « constitué de symboles typiques du nuage informatique (cloud computing), ne ferait que renforcer le caractère descriptif de ses éléments verbaux et a conclu au caractère descriptif de la marque demandée« .

Le déposant saisit le Tribunal de l’union d’un recours contre cette décision. L’arrêt est  rendu le 15 mars 2018.

Sur le défaut d’emploi dans le langage courant de la partie verbale du signe

23      D’autre part, quant à l’argument selon lequel l’élément verbal « secure data space » ne serait pas utilisé dans le langage courant, il convient de considérer que cette absence d’utilisation ne suffit pas à créer un écart perceptible entre l’expression et la somme des éléments qui la composent, permettant d’exclure le caractère descriptif de ladite expression.

24      Il ressort en effet de la jurisprudence que, pour se voir opposer un refus d’enregistrement au motif de son caractère descriptif, il faut et il suffit qu’un signe verbal désigne en au moins une de ses significations potentielles, une caractéristique des produits et services concernés [voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32, et du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, EU:T:2011:158, point 50]. Ainsi, il ne saurait être considéré que seule l’expression désignant dans le langage courant le produit ou le service visé puisse être qualifiée de descriptive et que toute expression pouvant être comprise comme désignant ce produit ou ce service, tout en ne relevant pas du langage courant, ne puisse être considérée comme descriptive (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, EU:C:2004:87, point 42). Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il est indifférent que, en l’espèce, l’expression « data room » serait la dénomination usuelle pour désigner un espace de stockage de données.

25      En outre, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, il est également de jurisprudence constante que l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ne dépend pas d’un impératif de disponibilité concret, actuel ou sérieux au profit des tiers, impliquant la démonstration de l’utilisation descriptive effective de l’expression en cause, et qu’il suffit que ladite expression puisse être utilisée à de telles fins (arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32, et du 12 avril 2011, EURO AUTOMATIC PAYMENT, T‑28/10, EU:T:2011:158, point 44 ; voir également, par analogie, arrêt du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, EU:C:1999:230, point 35).

26      Contrairement à ce que prétend la requérante à cet égard, il ressort clairement des termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, dont en particulier les termes « pouvant servir à désigner », et de la jurisprudence visée au point 25 ci-dessus que la simple possibilité d’être utilisé pour désigner des caractéristiques des produits et des services en cause résultant de l’une des significations potentielles du terme en cause suffit à qualifier ce terme de descriptif, sans qu’il soit besoin au surplus de fournir des indices clairs laissant penser que le terme en cause sera utilisé de manière descriptive à l’avenir [voir, en ce sens, arrêts du 12 avril 2011, EURO AUTOMATIC PAYMENT, T‑28/10, EU:T:2011:158, points 43 et 44, et du 22 novembre 2011, Sports Warehouse/OHMI (TENNIS WAREHOUSE), T‑290/10, non publié, EU:T:2011:684, point 36]. Lorsqu’un terme présente un caractère descriptif dans l’une de ses significations potentielles, un usage descriptif de ce terme peut en effet raisonnablement être attendu à l’avenir [voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, non publié, EU:T:2012:589, point 31].

27      Or, en l’espèce, il peut être déduit des trois termes, « espace », « données » et « sécurisé », composant l’élément verbal de la marque demandée, dont les significations ne sont pas contestées par la requérante (voir point 19 ci-dessus), que cette combinaison, dont il n’est d’ailleurs pas allégué qu’elle serait contraire aux règles grammaticales et syntaxiques de l’anglais, peut être comprise comme signifiant « espace de données sécurisé ».

28      Il s’ensuit que la chambre de recours a considéré, sans commettre d’erreur, que l’élément verbal « secure data space » de la marque demandée était descriptif des services visés.

L’élément figuratif permet-il de sauver la demande de marque ?

30      Ainsi que l’a pertinemment souligné la chambre de recours dans la décision attaquée, point 24, et que l’a au demeurant admis la requérante, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’examen du caractère descriptif d’une marque doit porter sur l’impression d’ensemble qu’elle produit, eu égard à l’ensemble de ses éléments verbaux et figuratifs (voir arrêt du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, EU:C:2007:224, point 79 et jurisprudence citée ; arrêt du 12 avril 2011, EURO AUTOMATIC PAYMENT, T‑28/10, EU:T:2011:158, point 45).

31      Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre de l’analyse de cette impression d’ensemble et aux fins de l’appréciation du caractère descriptif du signe en cause, la question décisive est celle de savoir si les éléments figuratifs changent, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque demandée par rapport aux produits et aux services concernés. Il convient également de rappeler que, si l’élément verbal d’une marque est descriptif, la marque est, dans son ensemble, descriptive si les éléments figuratifs de cette marque ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal (voir arrêt du 6 avril 2017, Metabolic Balance, T‑594/15, non publié, EU:T:2017:261, point 33 et jurisprudence citée).

32      Ainsi, lorsque l’élément figuratif présente un lien direct avec la signification de l’élément verbal de la marque, sans pour autant renvoyer précisément à cette signification, un tel lien suffit pour ne pas détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal et, dès lors, pour considérer que ladite marque est, dans son ensemble, descriptive [voir, en ce sens, arrêt du 29 novembre 2016, Chic Investments/EUIPO (eSMOKING WORLD), T‑617/15, non publié, EU:T:2016:679, point 56].

33      En l’espèce, la requérante admet que la représentation des deux flèches de la marque demandée fait habituellement référence à un échange de données. Ainsi, cette représentation renvoie directement au contenu et à l’objet de l’« espace de données » en cause, qui est d’assurer le stockage des données transmises pour une éventuelle réutilisation, voire désigne directement certains services litigieux, et ce même si elle ne fait pas allusion au surplus au caractère sécurisé de l’espace ou de l’échange de données. Il convient en effet de considérer que, contrairement à l’affirmation non étayée de la requérante, le caractère opposé des deux flèches n’indique pas un niveau d’insécurité plus élevé, de sorte que la représentation de ces flèches peut uniquement être interprétée comme ne fournissant aucune indication sur le caractère sécurisé de l’échange de données en cause.

34      En outre, la requérante souligne les spécificités du nuage représenté dans la marque demandée, dont notamment son bord inférieur rectiligne, qui le distingue certes de la représentation habituelle des nuages, mais qui le rapproche de la représentation des nuages parfois rencontrée dans les icônes figurant sur les écrans d’ordinateurs, de tablettes ou d’ordiphones (communément appelés « smartphones ») et ainsi, notamment, de celle représentant le « nuage informatique » (cloud computing), dont la requérante ne conteste pas qu’il renvoie aux échanges et au stockage de données.

35      De même, les arguments de la requérante relatifs aux spécificités du carré contenant le nuage et les flèches et portant, en particulier, sur les coins arrondis et le fond bleu, ne font que mettre en évidence la similitude entre la représentation de ce carré et les icônes informatiques susvisées.

36      Il s’ensuit que l’élément figuratif de la marque demandée présente un lien suffisant avec l’expression « espace de données sécurisé » pour ne pas modifier, du point de vue du public pertinent, la signification de la marque demandée. La chambre de recours a, dès lors, considéré, sans commettre d’erreur, que cet élément figuratif ne permettait pas de détourner le public pertinent du message descriptif véhiculé par l’élément verbal de la marque demandée et même renforçait le caractère descriptif de cet élément verbal, pour en conclure que ladite marque était, dans son ensemble, descriptive des services litigieux.

37      Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 doit être écarté.

 Le recours est rejeté et la demande de marque ne sera pas enregistrée.