Le litige naît au Royaume-Uni   où une société se voit rejetée sa demande de CCP par le Comptroller General of Patents (contrôleur général des brevets, Royaume-Uni) pour son médicament Abraxane. Sur recours de la société, la High Court of Justice (England & Wales), interroge la Cour de justice sur le sens à l’arrêt Neurim. L’arrêt de la Cour de justice du 21 mars 2019 dans cette affaire C-443/17 est

Pour la société, le principe actif, le nab-paclitaxel, fait preuve d’une plus grande efficacité que le paclitaxel dans ses formulations antérieures pour le traitement de certaines tumeurs cancéreuses. A noter que ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM antérieure à celle de ce médicament.

L’office britannique a considéré que, si l’article 3, sous d) du règlement 469/2009 « permet l’octroi d’un CCP pour un usage thérapeutique nouveau et inventif d’un ancien principe actif, sa portée ne s’étend pas au cas d’une formulation nouvelle et inventive d’un ancien principe actif. »

La Cour de justice procède en deux temps.

Une nouvelle formulation d’un principe actif ancien permettant d’exercer son effet thérapeutique avec une efficacité accrue, peut-elle être considérée comme étant un produit distinct du produit constitué uniquement du même principe actif ?

Ce que dit la Cour :

31      Il découle des considérations qui précèdent que l’article 1er, sous b), du règlement no 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, qui, telle que le nab-paclitaxel, est constituée de ce principe actif et d’un transporteur dépourvu d’effet thérapeutique propre liés ensemble sous forme de nanoparticules, ne saurait être considérée comme étant un produit distinct du produit constitué uniquement dudit principe actif quand bien même une telle formulation permettrait à ce principe actif d’exercer son effet thérapeutique avec une efficacité accrue.

L’AMM délivrée pour la nouvelle formulation peut-elle être considérée comme la première délivrée quand existe déjà une AMM délivrée pour la formulation ancienne sur le même brevet de base ?

La réponse de la Cour

35      ………, seule peut être considérée comme étant la première AMM d’un produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, l’AMM correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant le produit concerné répondant à la définition de l’article 1er, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2011, Medeva, C‑322/10, EU:C:2011:773, point 40).

36      Il convient d’ajouter que, s’agissant de l’objectif du règlement no 469/2009, il ressort des termes des considérants 3 à 5 et 9 de celui-ci, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 50 de ses conclusions, que le régime du CCP a pour objectif de pallier l’insuffisance de la protection conférée par le brevet à amortir les investissements effectués dans la recherche de nouveaux médicaments et, partant, d’encourager cette recherche. Toutefois, il résulte du considérant 10 dudit règlement que le législateur a entendu réaliser cet objectif de manière à tenir compte de tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique.

37      Ce constat, qui vient au soutien d’une interprétation stricte de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, est confirmé par l’exposé des motifs de la proposition de règlement du 11 avril 1990, mentionné au point 26 du présent arrêt, dont il résulte, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 52 à 55, 66 et 69 de ses conclusions, que le législateur a entendu, en instituant le régime du CCP, favoriser la protection non pas de toute recherche pharmaceutique donnant lieu à la délivrance d’un brevet et à la commercialisation d’un nouveau médicament, mais de celle qui conduit à la première mise sur le marché d’un principe actif ou d’une combinaison de principes actifs en tant que médicament.

38      Or, un tel objectif serait compromis si, aux fins de remplir la condition prévue à l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009, il était possible de tenir compte, pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, uniquement de la première AMM à relever du champ du brevet de base protégeant cette nouvelle formulation et de faire abstraction d’une AMM délivrée antérieurement pour le même principe actif dans une autre formulation.

39      En outre, une telle interprétation de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 risquerait d’être source d’incertitude juridique et d’incohérences quant aux circonstances dans lesquelles un CCP peut être obtenu, dans la mesure où il serait difficile de déterminer dans quelles circonstances précises une AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien pourrait relever de cette disposition.

40      Partant, l’AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, telle que le nab-paclitaxel, ne peut être considérée comme étant la première AMM délivrée pour ce produit en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), du règlement no 469/2009 lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une AMM.

Mais la question posée par la juridiction britannique visait à interpréter l’arrêt Neurim

41      La jurisprudence issue de l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489), ne saurait infirmer une telle interprétation. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les articles 3 et 4 du règlement no 469/2009 doivent être interprétés en ce sens que, dans un cas tel que celui de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la seule existence d’une AMM antérieure obtenue pour le médicament à usage vétérinaire ne s’oppose pas à ce que soit délivré un CCP pour une application différente du même produit pour laquelle a été délivrée une AMM, pourvu que cette application entre dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP.

42      La Cour n’a cependant pas infirmé, dans ledit arrêt, l’interprétation stricte de la notion de « produit », visée à l’article 1er, sous b), de ce règlement, selon laquelle cette notion ne saurait couvrir une substance qui ne répond pas à la définition de « principe actif » ou de « composition de principes actifs » (voir, en ce sens, ordonnance du 14 novembre 2013, Glaxosmithkline Biologicals et Glaxosmithkline Biologicals, Niederlassung der Smithkline Beecham Pharma, C‑210/13, EU:C:2013:762, point 44).

43      En outre, il convient de constater que l’exception à l’interprétation stricte de l’article 3, sous d), de ce règlement retenue dans l’arrêt du 19 juillet 2012, Neurim Pharmaceuticals (1991) (C‑130/11, EU:C:2012:489), ne vise, en tout état de cause, pas le cas d’une formulation nouvelle du produit en cause. Cette exception ne saurait donc, en tout état de cause, être invoquée dans le cas d’une AMM délivrée pour une nouvelle formulation d’un principe actif ayant déjà fait l’objet d’une AMM, quand bien même l’AMM de cette nouvelle formulation serait la première à relever du champ d’application du brevet de base invoqué à l’appui de la demande de CCP pour ladite nouvelle formulation.

Le droit dit par la Cour de justice

L’article 3, sous d), du règlement (CE) no 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, lu en combinaison avec l’article 1er, sous b), de ce règlement, doit être interprété en ce sens que l’autorisation de mise sur le marché visée à l’article 3, sous b), dudit règlement, invoquée à l’appui d’une demande de certificat complémentaire de protection portant sur une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel.