L’OEB suspend l’examen des demandes de brevet relatives à la brevetabilité d’un végétal ou d’un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique

24 novembre 2016 : l’OEB annonce la suspension de procédures d’examen de toutes les procédures devant les divisions d’examen et d’opposition de l’OEB dont l’issue dépend entièrement de la question de la brevetabilité d’un végétal ou d’un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique. La décision de l’OEB

Cette décision fait suite à l’avis de la Commission du 3 novembre 2016.

Est à citer la motivation de cette décision de l’OEB :

En 1999, les États membres de l’Organisation européenne des brevets ont décidé de mettre en œuvre la directive en modifiant le règlement d’exécution de la CBE. L’objectif était d’adapter la CBE aux dispositions de la directive en raison non seulement des obligations auxquelles sont tenus les États de l’UE qui sont membres de l’Organisation européenne des brevets, mais surtout de la nécessité de préserver l’uniformité du droit européen des brevets harmonisé. [ 2 ] Conformément à la règle 26(1) CBE, les divisions d’examen et d’opposition utilisent la directive comme moyen complémentaire d’interprétation aux fins de déterminer si des demandes de brevet européen ou des brevets européens sont conformes aux dispositions pertinentes de la CBE. Les arrêts de le Cour de justice de l’UE relatifs à l’interprétation de la directive sont pris en considération comme faisant autorité (cf. Directives relatives à l’examen, G-II, 5.2 et 5.3).

Pour mémoire, la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques est ici.

L’ADN isolé n’est pas brevetable

Le 13 juin 2013, la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique du Nord dit que l’ADN isolé n’est pas brevetable.

L’identification des gènes et leur isolation au sein des séquences d’acides nucléiques naturels ne sont donc plus brevetables aux Etats-Unis.

La décision du 13 juin 2013 dans l’affaire Association for Molecular Pathology v Myriad Genetics.

Le 13 juin 2013 également, l’USPTO a annoncé modifier sa pratique.

Les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et les expressions culturelles traditionnelles : une grande priorité de l’OMPI pour les 12 mois à venir

La déclaration du Directeur Général de l’OMPI, le 1er octobre 2012, a fixé un objectif à 12 mois.

« L’élaboration d’un instrument international sur la propriété intellectuelle et les ressources génétiques, les savoirs traditionnels et les expressions culturelles traditionnelles constitue une grande priorité pour l’Organisation. Des progrès ont été faits au cours des deux dernières années, mais il reste encore à faire. La tâche immédiate qui attend les États membres consiste à concevoir au cours des 12 prochains mois un processus conduisant à une issue positive lors des assemblées de 2013. Pour y parvenir, toutes les délégations devront fournir beaucoup d’efforts et faire preuve d’un grand engagement. »

Le  Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation à la Convention sur la diversité biologique ici

L’arrêt de la Cour de l’Union du 12 juillet 2012 à propos de la commercialisation des graines et des semences des variétés anciennes

Baumaux qui commercialise des graines et des semences florales et potagères, engage une action en concurrence déloyale  contre Kokopelli, qui vend des semences de variétés potagères et florales anciennes  figurant « ni sur le catalogue français ni sur le catalogue commun des variétés des espèces de légumes issues de l’agriculture biologique ».

Pour Kokopelli, ses variétés anciennes ne sont pas suffisamment stables pour répondre aux critères des directives.

14 janvier 2008, le Tribunal de grande instance de Nancy condamne Kokopelli au paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

Appel de Kokopelli devant la Cour de Nancy qui interroge la Cour de Justice de l’Union Européenne :

«[L]es directives 98/95/CE, 2002/53/CE et 2002/55/CE du Conseil et 2009/145 de la Commission sont-elles valides au regard des droits et principes fondamentaux suivants de l’Union européenne à savoir, ceux du libre exercice de l’activité économique, de proportionnalité, d’égalité ou de non-discrimination, de libre circulation des marchandises, et au regard des engagements pris aux termes du [Tirpaa], notamment en ce qu’elles imposent des contraintes de production et de commercialisation aux semences et plants anciens?»

  • La Cour vérifie que les directives tiennent compte des différents opérateurs

62 S’agissant des opérateurs, tels que Kokopelli, qui offrent à la vente des «variétés anciennes» qui ne satisfont pas aux conditions fixées aux articles 4, paragraphe 1, et 5 de la directive 2002/55, il y a lieu de rappeler que cette dernière envisage, à ses articles 44, paragraphe 2, et 48, paragraphe 1, sous b), la fixation de conditions particulières d’admission et de commercialisation en ce qui concerne les variétés de conservation et les variétés créées pour répondre à des conditions de culture particulières.

63 En particulier, l’article 44, paragraphe 3, sous a), de la directive 2002/55 prévoit que les semences des variétés de conservation peuvent être admises au catalogue de l’Union sans examen officiel sur la base, notamment, de résultats d’essais non officiels et de l’expérience acquise au cours de leur culture. En outre, l’article 44, paragraphe 3, sous b), de cette directive prévoit que des restrictions quantitatives appropriées doivent s’appliquer aux variétés de conservation et à celles créées pour répondre à des conditions de culture particulières. À cet égard, la directive 2009/145 a été adoptée en application desdits articles de la directive 2002/55.

64 Les directives 2002/55 et 2009/145 prennent en compte les intérêts économiques des opérateurs, tels que Kokopelli, en ce qu’elles n’excluent pas la commercialisation des «variétés anciennes». Certes, la directive 2009/145 impose des restrictions géographiques, quantitatives et de conditionnement en ce qui concerne les semences des variétés de conservation ainsi que celles créées pour répondre à des conditions de culture particulières, mais ces restrictions s’inscrivent dans le contexte de la conservation des ressources phytogénétiques.

  • A situations différentes, traitements différenciés

71 Kokopelli fait valoir que le régime d’admission imposé par les directives 2002/55 et 2009/145 établit une différence de traitement non justifiée entre les semences des variétés de conservation et les semences standard pouvant être admises aux catalogues officiels. En effet, eu égard audit régime, Kokopelli serait dans l’impossibilité de commercialiser les semences des variétés de conservation.

72 Il importe de constater que, compte tenu de leurs caractéristiques propres, les semences standard et celles des variétés de conservation se trouvent dans des situations différentes. En effet, les semences des variétés de conservation ne satisfont en principe pas aux exigences fixées aux articles 4, paragraphe 1, et 5 de la directive 2002/55. Elles sont traditionnellement cultivées dans des localités et des régions particulières et sont menacées d’érosion génétique.

73 C’est en tenant compte des caractéristiques propres des différentes variétés des semences que le régime d’admission établi par les directives 2002/55 et 2009/145 prévoit, d’une part, des règles générales en ce qui concerne la commercialisation des semences standard et, d’autre part, des conditions particulières de culture et de commercialisation pour les semences des variétés de conservation.

74 En effet, lesdites conditions particulières s’inscrivent dans le contexte de la conservation in situ et de l’utilisation durable des ressources phytogénétiques.

75 À cet égard, les considérants 2 et 3 de la directive 2009/145 énoncent que, outre l’objectif général de protection des ressources phytogénétiques, l’intérêt particulier de préserver les variétés de conservation tient au fait qu’elles sont particulièrement bien adaptées aux conditions locales spécifiques et qu’elles peuvent être cultivées dans des conditions climatiques particulières.

76 Il s’ensuit que, en fixant, par la directive 2002/55 ainsi que par la directive 2009/145 adoptée pour la mise en oeuvre de celle-ci, des conditions particulières de culture et de commercialisation en ce qui concerne les semences des variétés de conservation, le législateur de l’Union a traité différemment des situations différentes. Par conséquent, lesdites directives ne violent pas le principe d’égalité de traitement.

  • Sur le non-respect du principe de libre exercice d’une activité économique

78 En l’occurrence, il est vrai que le régime d’admission des semences de légumes prévu par les directives 2002/55 et 2009/145 est susceptible de restreindre le libre exercice de l’activité professionnelle des commerçants de semences anciennes, tels que Kokopelli.

79 Toutefois, les règles énoncées aux articles 3 à 5 de la directive 2002/55 visent l’amélioration de la productivité des cultures de légumes dans l’Union, l’établissement du marché intérieur des semences de légumes en assurant leur libre circulation dans l’Union ainsi que la conservation des ressources génétiques des plantes, qui constituent des objectifs d’intérêt général. Or, ainsi qu’il ressort des motifs du présent arrêt consacrés à la violation alléguée du principe de proportionnalité, il n’apparaît pas que ces règles et les mesures qu’elles consacrent présentent un caractère inapproprié à la réalisation de ces objectifs, et l’obstacle au libre exercice d’une activité économique que constituent de telles mesures ne peut, au regard des buts poursuivis, être considéré comme portant une atteinte démesurée au droit à l’exercice de cette liberté.

  • Sur le respect des communautés locales et autochtones reconnues par le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture

Ce traité a pour objectifs «la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation en harmonie avec la convention sur la diversité biologique, pour une agriculture durable et pour la sécurité alimentaire».

La position de la Cour :

Par ailleurs, l’article 9 du Tirpaa, invoqué par Kokopelli, prévoit que les parties contractantes reconnaissent l’énorme contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde, et spécialement ceux des centres d’origine et de diversité des plantes cultivées, ont apportée et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier.

91 L’article 9, paragraphe 9.3, de ce traité stipule que rien dans cet article ne devra être interprété comme limitant les droits que peuvent avoir les agriculteurs de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication, sous réserve des dispositions de la législation nationale et selon qu’il convient.

92 Par conséquent, ledit article ne comporte pas non plus une obligation suffisamment inconditionnelle et précise pour mettre en cause la validité des directives 2002/55 et 2009/145.

93 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’examen de la question posée n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité des directives 2002/55 et 2009/145.

A noter la position de l’avocat général dans ses conclusions du 19 janvier 2012 :

103.  En résumé, on retiendra que, même après l’adoption de la directive relative aux dérogations, les inconvénients demeurent pour les opérateurs économiques et les consommateurs dont l’accès aux «variétés anciennes» non admises est entravé. Ces inconvénients, même abstraction faite des inconvénients pour la biodiversité, sont manifestement disproportionnés par rapport aux avantages de l’interdiction, sans que le législateur ait recherché un équilibre.

L’arrêt important rendu par la CJUE le 18 octobre 2011, dans l’affaire C‑34/10, Oliver Brüstle contre Greenpeace eV, ici

  • Il concerne l’exclusion de la brevetabilité de certaines inventions

33     À cet effet, ainsi que la Cour l’a déjà relevé, l’article 5, paragraphe 1, de la directive interdit que le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, puisse constituer une invention brevetable » ….

35    Dans ce sens, tout ovule humain doit, dès le stade de sa fécondation, être considéré comme un «embryon humain» au sens et pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive, dès lors que cette fécondation est de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain.

36      Doivent également se voir reconnaître cette qualification l’ovule humain non fécondé, dans lequel le noyau d’une cellule humaine mature a été implanté, et l’ovule humain non fécondé induit à se diviser et à se développer par voie de parthénogenèse. Même si ces organismes n’ont pas fait l’objet, à proprement parler, d’une fécondation, ils sont, ainsi qu’il ressort des observations écrites déposées devant la Cour, par l’effet de la technique utilisée pour les obtenir, de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain comme l’embryon créé par fécondation d’un ovule.

37      En ce qui concerne les cellules souches obtenues à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste, il appartient au juge national de déterminer, à la lumière des développements de la science, si elles sont de nature à déclencher le processus de développement d’un être humain et relèvent, par conséquent, de la notion d’«embryon humain» au sens et pour l’application de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive.

  • Cette exclusion s’applique également aux inventions utilisées à des fins de recherche

43  Or, même si le but de recherche scientifique doit être distingué des fins industrielles ou commerciales, l’utilisation d’embryons humains à des fins de recherche qui constituerait l’objet de la demande de brevet ne peut être séparée du brevet lui-même et des droits qui y sont attachés.

  • Cette exclusion porte sur des inventions qui nécessitent bien en amont la destruction  de telles cellules

47      …., la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si une invention est exclue de la brevetabilité, quand bien même elle n’aurait pas elle-même pour objet l’utilisation d’embryons humains, dès lors qu’elle porterait sur un produit dont l’obtention suppose la destruction préalable d’embryons humains ou sur un procédé qui requiert un matériau de base obtenu par destruction d’embryons humains.

48      Cette question est soulevée à l’occasion d’une affaire relative à la brevetabilité d’une invention portant sur la production de cellules précurseurs neurales, qui suppose l’utilisation de cellules souches obtenues à partir d’un embryon humain au stade de blastocyste. Or, il ressort des observations soumises à la Cour que le prélèvement d’une cellule souche sur un embryon humain au stade de blastocyste entraîne la destruction de cet embryon.

  • Cette exclusion s’applique même si les revendications ne portent pas sur l’utilisation d’embryons humains

49   Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 32 à 35 du présent arrêt une invention doit être considérée comme exclue de la brevetabilité, même si les revendications du brevet ne portent pas sur l’utilisation d’embryons humains, dès lors que la mise en œuvre de l’invention requiert la destruction d’embryons humains. Dans ce cas également, il doit être considéré qu’il y a utilisation d’embryons humains au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive. Le fait que cette destruction intervienne, le cas échéant, à un stade largement antérieur à la mise en œuvre de l’invention, comme dans le cas de la production de cellules souches embryonnaires à partir d’une lignée de cellules souches dont la constitution, seule, a impliqué la destruction d’embryons humains, est, à cet égard, indifférent.

50      Ne pas inclure dans le champ de l’exclusion de la brevetabilité énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive un enseignement technique revendiqué, au motif qu’il ne mentionne pas l’utilisation, impliquant leur destruction préalable, d’embryons humains, aurait pour conséquence de priver d’effet utile la disposition concernée en permettant au demandeur d’un brevet d’en éluder l’application par une rédaction habile de la revendication.

  • La CJUE rappelle également la position de la Grande Chambre de recours de l’OEB

51      Là encore, c’est à la même conclusion qu’est parvenue la grande chambre de recours de l’Office européen des brevets, interrogée sur l’interprétation de l’article 28, sous c), du règlement d’exécution de la CBE, dont le libellé est identique à celui de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive (voir point 22 de la décision du 25 novembre 2008 mentionnée au point 45 du présent arrêt).

L’arrêt du 6 septembre 2011 de la Cour de Justice maintient les restrictions à la commercialisation des produits contenants des  OGM même si dans ces produits la protection du brevet n’est plus effective

Il ne s’agit pas de celui du 8 septembre sur les questions préjudicielles posées par le Conseil d’Etat qui hésitait sur l’interprétation de deux textes, la directive 2001/18 et le règlement 1829/2003  et où la Cour explique que le gouvernement français aurait pu s’appuyer sur un 3ème texte, la directive 2002/53, pour prendre sa décision de suspendre la culture du maïs OGM.

Mais de l’arrêt rendu par la Grande Chambre le 6 septembre, C-442/09,  aff. Bablok

1°) Les faits

Monsieur Bablok est apiculteur en Allemagne.

En 2009, la culture du maïs MON 810 a été interdite en Allemagne, mais auparavant ce maïs a été cultivé sur des parcelles à  500 m des ruches de M. Bablok.

M. Bablok, apiculteur amateur donc, destine le miel et le pollen de ses ruches à la consommation ou à la vente.

L’arrêt de la Cour précise que lors de l’extraction du miel du pollen peut s’y mélanger.

En 2005, la présence  d’ADN du maïs MON 810 a été de 4,1% du total de l’ADN du maïs et celle de protéines transgéniques ont été relevées dans le pollen de maïs de M . Bablok (mais pas chez d’autres apiculteurs qui se sont joints au recours) ainsi que de quelques très faibles quantités d’ADN de maïs MON 810 dans des échantillons de miel.

2°) L’action en responsabilité des apiculteurs devant les juridictions allemandes

Comme le rappellent les considérants 40 et suivants, cette affaire  vient sur sur une demande des apiculteurs qui ont considéré que leur miel a connu une altération substantielle :

« Cette demande a été accueillie en première instance par le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg, selon jugement du 30 mai 2008. Cette juridiction a considéré que l’apport de pollen de maïs MON 810 faisait du miel et des compléments alimentaires à base de pollen des denrées alimentaires soumises à autorisation, de sorte que, en application de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003, ces produits ne pouvaient être mis sur le marché à défaut d’une telle autorisation.

41      Selon le Bayerisches Verwaltungsgericht Augsburg, le miel et les compléments alimentaires à base de pollen produits par M. Bablok sont substantiellement altérés en raison de la présence de pollen de maïs MON 810.

42      Contestant cette analyse, Monsanto Technology, Monsanto Agrar Deutschland et le Freistaat Bayern ont interjeté appel du jugement devant le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof.

43      Devant cette dernière juridiction, ils soutiennent que le règlement n° 1829/2003 n’est pas applicable au pollen de la souche de maïs MON 810 présent dans le miel ou utilisé comme complément alimentaire…. ».

3°) Les dispositions qui sanctionnent la présence des OGM

Dans cette affaire se trouvaient invoquées :

  • des dispositions du droit allemand : «Le transfert de caractéristiques d’un organisme qui reposent sur des manipulations génétiques, ou tous autres apports d’organismes génétiquement modifiés, sont constitutifs d’une altération substantielle au sens de l’article 906 du code civil [Bürgerliches Gesetzbuch],
  • le règlement 1829/2003 dont l’article 4 interdit la mise sur le marché d’un OGM destiné à l’alimentation humaine, d’une denrée alimentaire contenant des OGM ou consistant en de tels organismes, ou encore produite à partir d’ingrédients produits à partir d’OGM ou contenant de tels ingrédients, à moins que le produit en cause ne soit couvert par une autorisation délivrée conformément à ce règlement, et auquel cas renvoie à un dispositif d’étiquetage spécifique .

4°) Le pollen provenant de ces fleurs de maïs OGM, quand il a perdu ses propriétés  dues à la manipulation génétique, est-il encore une altération substantielle  du miel, doit-il être interdit ou le cas échéant, soumis à un étiquetage spécifique ?

La question principale (se trouvaient également débattues les notions d’ingrédients et du caractère volontaire ou non de la présence de pollen dans le miel) était de savoir si le pollen était encore soumis à ce règlement, le pollen de maïs étant certes un organisme puisqu’il peut se multiplier lui-même, mais il perd cette capacité assez rapidement bien avant qu’il ne soit extrait de la ruche par l’apiculteur.

A noter la position de la Commission :

La Commission européenne oppose à une telle conclusion une distinction qui devrait être opérée entre la notion d’«ingrédient» et celle de «constituant naturel». Selon elle, le pollen serait un constituant naturel du miel et non un ingrédient, de sorte que le miel le contenant ne relèverait pas de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1829/2003. Ce résultat concorderait, au demeurant, avec l’énoncé du seizième considérant de ce règlement, dont il faudrait déduire que les denrées alimentaires d’origine animale ne peuvent être considérées comme produites à partir d’un OGM que si l’animal est lui-même génétiquement modifié. (Considérant 80)

La Cour va refuser cette analyse :

L’interprétation proposée compromettrait l’objectif de protection de la santé humaine, dans la mesure où une denrée alimentaire telle que le miel échapperait à tout contrôle de son innocuité, alors même qu’elle contiendrait des quantités élevées de matériel génétiquement modifié.

La Cour va appliquer largement le règlement :

les articles 2, points 1, 10 et 13, ainsi que 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1829/2003, 2 du règlement n° 178/2002 et 6, paragraphe 4, sous a), de la directive 2000/13 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une substance telle que du pollen contenant de l’ADN et des protéines génétiquement modifiés n’est pas susceptible d’être considérée comme un OGM, des produits comme du miel et des compléments alimentaires contenant une telle substance constituent, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1829/2003, «des denrées alimentaires […] contenant [des ingrédients produits à partir d’OGM]»;

Si on conserve en mémoire le précédent arrêt de la Cour, on peut dire que même si la fonction du brevet n’est plus en vigueur, la qualification d’OGM demeure et trouve à s’appliquer en particulier la législation sur l’étiquetage.

5°) L’enjeu de cet arrêt va bien au-delà des 11 000 Euros demandés par l’apiculteur, puisque la Cour refuse pour ce miel l’application des seuils.

Différents seuils d’OGM ont été fixés par les textes communautaires pour soumettre les aliments qui en contiennent à l’étiquetage spécifique.

En l’absence d’autorisation et de surveillance, – ce miel avec ce pollen n’a pas été autorisé –  La Cour exclut que ces seuils soient retenus ici, c’est donc un régime d’interdiction absolu qui s’impose  :

Le règlement n° 1829/2003 institue de la sorte un niveau de contrôle supplémentaire.

102 Ce règlement serait rendu sans objet s’il était considéré qu’une évaluation réalisée et une autorisation délivrée en application des directives 90/220 ou 2001/18 couvrent tous les risques potentiels subséquents  pour la santé humaine et l’environnement.

103 Lorsque les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1829/2003 sont remplies, l’obligation d’autorisation et de surveillance existe quelle que soit la proportion de matériel génétiquement modifié contenue dans le produit en cause.

104 En effet, en ce qui concerne cette obligation, un seuil de tolérance de 0,5 % n’a été prévu qu’à l’article 47 du règlement n° 1829/2003. Or, ce seuil a cessé d’être applicable trois ans après la date d’application de ce règlement, conformément au paragraphe 5 dudit article 47.

105 Quant au seuil de tolérance de 0,9 % par ingrédient édicté à l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003, il concerne l’obligation d’étiquetage et non pas l’obligation d’autorisation et de surveillance.

106 Son application par analogie à cette dernière obligation priverait de toute utilité la disposition qui le prévoit, dès lors qu’elle exclurait la denrée alimentaire en cause du champ d’application du règlement n° 1829/2003.

107 En tout état de cause, elle contredirait l’objectif d’un «niveau élevé de protection de la vie et de la santé humaines» énoncé à l’article 1er de ce règlement.

108 Il convient donc de répondre à la troisième question que les articles 3, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, du règlement n° 1829/2003 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’ils impliquent une obligation d’autorisation et de surveillance d’une denrée alimentaire, il ne peut pas être appliqué par analogie à cette obligation un seuil de tolérance tel que celui prévu en matière d’étiquetage à l’article 12, paragraphe 2, du même règlement.

En avril 2011, l’OEB fixe de nouvelles règles pour le dépôt des séquences de nucléotides

« Decision of the President of the European Patent Office dated 28 April 2011 on the filing of sequence listings »

Le 10 mars 2011, les conclusions de l’Avocat Général entendent exclure de la brevetabilité les inventions nécessitant la destruction d’embryons humains et l’utilisation de cellules embryonnaires

1°) Le rappel : La Grande Chambre de recours de l’OEB dans sa décision G 2/06 du 25 novembre 2008 a rejeté le recours contre la décision de la division d’examen qui avait refusé une demande de brevet portant sur :

1. « Culture cellulaire comprenant des cellules souches embryonnaires de primate qui (i) sont capables de proliférer pendant plus d’un an en culture in vitro,(ii) conservent un caryotype présentant tous les chromosomes qui caractérisent normalement l’espèce de primate concernée et que la mise en culture pendant plus d’un an ne modifie pas de manière perceptible, (iii) conservent pendant toute la mise en culture leur potentiel de différenciation en dérivés des tissus de l’endoderme, du mésoderme et de l’ectoderme et (iv) dont la différenciation est inhibée en cas de culture sur une couche nourricière de fibroblastes. »

Pour la Grande Chambre, il y avait destruction d’embryons . Au point III, la décision relevait :

La description cite une seule source de cellules de base, à savoir un embryon préimplantatoire

D’où la position de la Grande Chambre qui a considéré que cette invention ne pouvait pas être brevetée :

En effet, la Grande Chambre estime que la règle 28c) (anciennement 23quinquies c)) CBE est applicable, qu’elle s’inscrit dans le champ d’application de l’article 53a) CBE et qu’elle interdit de breveter des produits qui, à la date de dépôt, ne pouvaient être obtenus que par une méthode impliquant nécessairement la destruction des embryons humains dont lesdits produits sont dérivés.

On notera dans cette affaire, que le déposant WISCONSIN ALUMNI RESEARCH FOUNDATION , demandait que la CJCE soit saisie d’une question préjudicielle sur l’application de la Directive, demande rejetée par la Grande Chambre au motif qu’aucun texte applicable à l’OEB ne prévoyait cette voie procédurale.

2°) Une question préjudicielle a finalement été posée à propos d’un autre brevet, la CJCE a été saisie par le Bundesgerichtshof le 21 janvier 2010  de la définition de l’embryon au sens de la Directive.

Que convient-il d’entendre par « embryons humains » au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques1?

a)    Cette notion recouvre-t-elle tous les stades de développement de la vie humaine à partir de la fécondation de l’ovule ou d’autres conditions doivent-elles être satisfaites, par exemple un stade de développement déterminé doit-il être atteint?

b)    Est-ce que les organismes suivants relèvent de cette notion:

(1)    des ovules humains non fécondés, dans lesquels a été implanté le noyau d’une cellule humaine mature;

(2)    des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer?

c)    Est-ce que des cellules souches obtenues à partir d’embryons humains au stade de blastocyste relèvent également de cette notion?

Que convient-il d’entendre par « utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales »? Cette notion couvre-t-elle toute exploitation commerciale au sens de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, en particulier également une utilisation à des fins de recherche scientifique?

Un enseignement technique est-il exclu de la brevetabilité en vertu de l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 également dans le cas où l’utilisation d’embryons humains ne fait pas partie de l’enseignement technique revendiqué par le brevet, mais est la condition nécessaire de sa mise en œuvre

a)    parce que le brevet porte sur un produit dont la production requiert la destruction préalable d’embryons humains

b)    ou parce que le brevet porte sur un procédé pour lequel un tel produit est nécessaire comme matériau de départ?

3°) Les conclusions du 10 mars 2011 de l’Avocat Général qui militent pour une définition communautaire de l’embryon et non simplement nationale (points 66 et suivants) conduisent à exclure de la brevetabilité l’invention dont la mise en œuvre requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si la description de ce procédé ne contient aucune référence à l’utilisation d’embryons humains.

Pour les revendications, les conclusions nous apprennent que :

Le Bundespatentgericht (tribunal fédéral des brevets) a fait partiellement droit à la demande de Greenpeace et a constaté la nullité du brevet de M. Brüstle, dans la mesure où la première revendication porte sur des cellules précurseurs obtenues à partir de cellules souches embryonnaires humaines et les douzième et seizième revendications sur des procédés pour la production de ces cellules précurseurs.

A propos des cellules en cause dans ce brevet :

93.      En effet, au fur et à mesure de sa croissance impulsée par les cellules totipotentes du départ, l’embryon à un stade encore très précoce de son développement devient constitué non plus de cellules totipotentes, mais de cellules pluripotentes, celles-là même qui sont au cœur du brevet de M. Brüstle. Ces cellules peuvent se développer en toutes sortes de cellules pour constituer petit à petit l’ensemble des organes du corps humain. Cependant, et il s’agit d’une différence capitale, elles ne peuvent évoluer séparément vers un être humain complet. Elles sont déjà la marque d’une diversification qui, se poursuivant par la suite, aboutira au fur et à mesure de la multiplication des cellules à une spécialisation et à une diversification conduisant à l’apparition des organes et de tous les constituants individualisés du corps humain tel qu’il naîtra.

Parce que le brevet en cause ne cite pas expressément la destruction ou l’utilisation des embryons,  ces conclusions tentent de définir l’embryon au sens de la Directive et du même coup construisent cette approche communautaire de l’embryon.

108. Dès lors, quand bien même les revendications du brevet ne préciseraient pas que des embryons humains sont utilisés pour la mise en œuvre de l’invention, alors qu’ils le sont, la brevetabilité d’une telle invention doit être exclue. Si tel n’était pas le cas, l’interdiction visée à l’article 6, paragraphe 2, sous c), de la directive 98/44 serait facilement contournable, puisque la personne sollicitant un brevet pour son invention n’aurait, en effet, qu’à «omettre» de préciser dans les revendications du brevet que des embryons humains ont été utilisés ou détruits. Cette disposition serait, alors, totalement privée de son effet utile (43).

109. Il faut donc convenir, ne serait-ce que par souci de cohérence, que les inventions portant sur les cellules souches pluripotentes ne peuvent être brevetables que si leur obtention ne se fait pas au détriment d’un embryon, qu’il s’agisse de sa destruction ou de son altération.

110. En effet, ces cellules sont prélevées sur l’embryon humain au stade du blastocyste et elles impliquent forcément la destruction de l’embryon humain. Donner une application industrielle à une invention utilisant des cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les embryons humains comme un banal matériau de départ. Une telle invention instrumentaliserait le corps humain aux premiers stades de son développement. Il nous semble inutile, car superflu, d’évoquer ici encore les références déjà effectuées aux notions d’éthique et d’ordre public.

Ainsi l’Avocat Général propose de répondre à la question préjudicielle de la juridiction allemande dans les termes suivants :

–        La notion d’embryon humain s’applique dès le stade de la fécondation aux cellules totipotentes initiales et à l’ensemble du processus de développement et de constitution du corps humain qui en découle. Il en est ainsi, notamment, du blastocyste.

–        Les ovules non fécondés, auxquels a été implanté le noyau d’une cellule humaine mature ou qui ont été induits à se diviser et à se développer par parthénogenèse, relèvent également de la notion d’embryon humain dans la mesure où l’utilisation de ces techniques aboutirait à l’obtention de cellules totipotentes.

–        Prises individuellement, les cellules souches embryonnaires pluripotentes, parce qu’elles n’ont pas, à elles seules, la capacité de se développer en un être humain, ne relèvent pas de cette notion.

–        Une invention doit être exclue de la brevetabilité lorsque la mise en œuvre du procédé technique soumis au brevet requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si la description de ce procédé ne contient aucune référence à l’utilisation d’embryons humains.

–        L’exception à l’interdiction de brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales concerne les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles.

L’arrêt du 6 juillet 2010 de la CJCE intervenu à propos du brevet Monsanto, a été repris dans une réponse de Madame le Ministre de l’Enseignement supérieur à la question posée par La réponse a été publiée le 12 octobre

* Tout d’abord, Madame la Ministre clarifie la question :

»Ce type de brevet englobant n’existe pas actuellement et ne saurait exister, je m’engage à veiller à ce que ce type d’extension de revendication ne soit pas autorisé »

* Puis, vient la référence à l’arrêt du [6 juillet de la CJCE, affaire C 428/08 :

»« En effet, le brevet tel qu’il est compris en France et en Europe concerne un procédé et ne peut être étendu à un produit dérivé qui ne bénéficie pas directement du procédé breveté. La Cour de justice européenne vient d’ailleurs de statuer que le brevet de Monsanto portant sur les semences génétiquement modifiées de soja résistantes à un herbicide ne s’applique pas au tourteau de soja qui est un produit obtenu après plusieurs traitements de la plante transgénique et dont la fabrication n’utilise pas la propriété brevetée de résistance à un herbicide ». »

* Et de souligner la particularité des brevets sur les plantes non pas dans une balance entre les intérêts privés et les besoins alimentaires à satisfaire, mais dans la finalité recherchée ( nous soulignons)

»« D’une manière générale, le brevet est un outil de valorisation de la recherche, mais ce n’est pas le seul. Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations-unies pour le droit à l’alimentation, souligne, à juste titre, la particularité du domaine alimentaire, dans la mesure où tout homme doit pouvoir accéder à une nourriture saine et suffisante. Les variétés végétales sont protégées par le certificat d’obtention végétale, et le brevet pris sur un événement de transgénèse ne peut revendiquer l’ensemble des caractéristiques de la variété, mais seulement les caractéristiques nouvelles conférées par le procédé breveté, telles que la résistance à une maladie par exemple. Comme le souligne le rapporteur spécial, il faut « faire en sorte que __les innovations produisant des variétés améliorées et de nouvelles ressources végétales profitent à tous les agriculteurs,__ y compris les plus vulnérables et les plus marginalisés ». »

* Et sur la proposition de licence gratuite :

»« C’est pourquoi le CIRAD, organisme public de recherche français dédié à la recherche agronomique pour le Sud, propose une licence gratuite d’utilisation de ses innovations végétales à tout pays en développement qui en fait la demande. La France a signé le Traité international sur les ressources phylogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, qui établit un système multilatéral destiné à faciliter l’accès aux ressources phylogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, et à partager de manière juste et équitable les avantages qui en découlent. Le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche pourra donner plus d’informations à l’honorable parlementaire sur la mise en oeuvre de ce traité » ».

* Cette réponse ministérielle rappelle le principe de la liberté d’accès à la diversité génétique ( voir à ce sujet notre article : [Quelle origine géographique indiquée dans une demande de brevet ?),

»« Du point de vue de la recherche, il est important de maintenir l’accès à la diversité génétique, source d’innovations. Les biotechnologies offrent d’immenses opportunités pour l’adaptation des plantes au changement climatique et notre recherche se doit d’être forte dans ce domaine. Le programme Investissements d’Avenir comporte un appel d’offres dédié aux Biotechnologies et Bioressources pour développer ces opportunités. Il est attendu que les projets déposés dans ce cadre répondent aux questionnements d’ordre juridique, éthique, anthropologique et philosophique, soulevés par l’utilisation du vivant, et analysent l’impact socio-économique des innovations proposées. Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche tient donc à assurer l’honorable parlementaire de l’attention que le Gouvernement porte à l’essor des biotechnologies dans le respect des droits de l’homme et en cohérence avec les principes du développement durable. » »

Le projet de loi sur la bioéthique

Le projet de loi sur la bioéthique prévoit en son article 3 une restriction particulière en ce qui concerne la mise en œuvre « des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ».

Article 3

»I. – Après l’article L. 1131-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131 2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1131-2-1. – L’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par [empreintes génétiques à des fins médicales ne peuvent être pratiqués que dans des laboratoires de biologie médicale autorisés à cet effet dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre Ier de la sixième partie et accrédités selon les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II de la même partie.

« Lorsque le laboratoire dépend d’un établissement de santé, l’autorisation est délivrée à cet établissement.

« Un laboratoire de biologie médicale établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen peut réaliser la phase analytique de l’examen ou de l’identification s’il satisfait aux conditions prévues à l’article L. 6221-4 et s’il est autorisé dans cet Etat à pratiquer cette activité, sous réserve qu’il ait adressé une déclaration si les conditions d’autorisation dans cet Etat ont été préalablement reconnues comme équivalentes à celles qui résultent du présent chapitre ou, à défaut, qu’il ait obtenu une autorisation après vérification que ses normes de fonctionnement sont équivalentes à celles qui résultent du présent chapitre.

« Les autorisations prévues aux alinéas ci-dessus peuvent être retirées ou suspendues dans les conditions prévues par l’article L. 6122-13 en cas de manquement aux dispositions mentionnées au chapitre II du titre II du livre Ier de la sixième partie ou aux prescriptions législatives et réglementaires applicables à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou à son identification par empreintes génétiques. »

II. – Au premier alinéa de l’article L. 1131-3 du même code, avant les mots : « Sont seuls habilités », sont insérés les mots : « Sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 1131-2-1, ».

III. – Après l’article L. 1133-6 du même code, il est inséré un article L. 1133-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1133-6-1. – Le fait de procéder à l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ou à son identification par empreintes génétiques à des fins médicales sans avoir reçu l’autorisation mentionnée à l’article L. 1131-2-1 est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. » »

L’arrêt du 6 juillet 2010 : pas de protection de la séquence d’ADN en tant que telle

Le glyphosate est un désherbant. Un brevet détenu par Mosanto porte sur un gène qui, quand il est implanté dans l’ADN d’une plante, permet à celle-ci de synthétiser une enzyme résistante à ce désherbant.

Aux Pays-Bas en 2006, des cargaisons de farine de soja provenant d’Argentine, où l’invention n’est pas protégée, ont été analysées par Mosento qui révèlent la présence de ce gène. D’où une action judiciaire aux Pays Bas par Mosanto contre l’importateur des farines.

L’arrêt rendu par la CJCE le 6 juillet 2010 dans l’affaire C 428/08  se prononce sur l’article 9 de la Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques et qui prévoit :

« La protection conféré par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s’entend à toute matière, sous réserve de l’article 5, paragraphe 1, dans laquelle le produit est incorpore´ et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce sa fonction ».

La dernière phrase de cette article subordonne-t-elle cette protection :

  • à toute matière dans laquelle le produit se retrouve,
  • ou faut-il, en plus, que dans cette matière, l’information génétique exerce sa fonction ?

Pour la Cour, l’article 9 :

« ne confère pas une protection des droits de brevet dans des circonstances telles que celles du litige au principal, lorsque le produit breveté est contenu dans de la farine de soja, où il n’exerce pas la fonction pour laquelle il est breveté, mais a exercé celle-ci antérieurement dans la plante de soja, dont cette farine est un produit de transformation »

L’arrêt du 6 juillet 2010 écarte également la possibilité qu’une législation nationale accorde une protection à une séquence d’ADN brevetée en tant que telle.

Les objectifs de la Convention de Rio

Lutte contre le biopiratage, respect des savoir traditionnels constituent des objectifs de la Convention de Rio du 22 mai 1992 et du Traité sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ( TI-RPGAA) du 6 juin 2002, que les  titulaires des brevets doivent respecter ;

L’origine géographiques de la matière vivante est au cœur de ces problématiques à priori contradictoires, le partage juste et équitable de la diversité biologique et le monopole conféré par le brevet ;Quelle origine géographique le déposant doit-il indiquer dans la demande de brevet ?L’étude de Philippe Schmitt publiée dans la revue Propriété Industrielle d’octobre 2006 présente une typologie des différentes solutions.Voir l’article pdf Voir en HTML

  • L’encyclopédie de la vie. Un fantastique projet pour répertorier le vivant ..  à suivre et à voir sur eol.org
  • OGM

A la veille des élections, le gouvernement transpose par décrets des directives de 1999 et 2001 sur les organismes génétiquement modifiés. Le site www.ogm.gouv.fr donnera des indications sur les cultures d’OGM par canton

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L’étude de Philippe Schmitt ci-dessous a été publiée dans la revue Propriété Industrielle d’octobre 2006, elle  présente une typologie des différentes solutions

Quelle origine au sens de la Convention sur la diversité biologique faudrait-il indiquer dans une demande de brevet ?

Au regard des objectifs de la Convention de Rio différentes initiatives ont proposé de modifier les règles du commerce international ou les traités internationaux propres au droit des brevets pour rendre obligatoire la divulgation de l’origine des ressources dans les brevets de biotechnologie. Même si la France n’a pas transposé la directive 98/44/CE qui avait laissé ce point à la discrétion des Etats, le déposant français doit déjà se préparer à cette nouvelle exigence.

La demande de brevet qui porte sur la matière biologique d’origine végétale ou animale ou qui utilise une telle matière, devrait, le cas échéant comporter une information géographique concernant le lieu géographique d’origine de cette matière si celui-ci est connu[1]. Cette disposition de la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 était non seulement facultative mais elle était immédiatement tempérée par la précision qu’elle ne pouvait pas affecter « l’examen des demandes de brevets et la validité des droits résultant des brevets délivrés »[2].

Aucune des deux lois françaises[3] de transposition de la directive n’ont prévu l’indication de l’origine géographique dans une demande de brevet.

Pourtant l’origine géographique de la matière biologique sur laquelle se fonde un brevet est aujourd’hui au cœur des débats relatifs à la biodiversité dont la Convention sur la diversité biologique ( CDB) a été emblématique de la prise de conscience et pour laquelle le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (le Traité[4]) a montré une approche sectorielle dans deux domaines essentiels l’agriculture et l’alimentation. La CDP[5] et le Traité[6] ont tous deux été ratifiés par la France.

L’appropriation privative au bénéfice d’une seule personne privée qu’accorde le brevet peut en effet apparaître comme contradictoire avec l’un des objectifs essentiels de la Convention sur la diversité biologique à savoir le partage juste et équitable des avantages qui découlent de l’exploitation des ressources génétiques.

Parallèlement aux travaux dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique qui ont abouti notamment à partir de la réunion intergouvernementale d’octobre 2001 aux « lignes directrices de Bonn»[7], différents Etats dans le cadre du cycle de négociations initiées à Doha ont souhaité modifier l’accord sur les ADPIC ;

Il apparaissait en effet, comme un pendant à la généralisation de la brevetabilité et en particulier de celle du matériel génétique posé par l’article 27 des accords ADPIC que l’appropriation privative qui en résulterait, ne respecterait ni l’exigence de consentement préalable[8] de l’Etat d’origine des ressources génétiques ni là aussi le partage « juste et équitable » de ces avantages.

Face à l’hostilité des États-Unis contre toute nouvelle exigence de divulgation qui risquerait de bouleverser les activités de recherche-développement et qui ne se sont montrés favorables qu’à un système de contractualisation entre les Etats et les entreprises pour l’accès aux ressources génétiques[9], et compte tenu de l’attente de différents Etats tels que l’Inde, le Pakistan ou le Brésil[10], la Suisse par un projet de modification du traité PCT[11] et l’Union européenne en mai 2005 dans le cadre de l’OMPI[12] ont proposé un caractère contraignant à l’obligation de divulgation de l’origine dans les demandes de brevets.

Depuis, de nombreux Etats se préparent à intégrer dans leur législation nationale sur les brevets l’indication de l’origine géographique, certains[13] l’ont déjà fait. Parmi les Etats européens, il faut citer l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Suède et l’Italie.

Deux questions se posent alors au déposant de brevet: quelles inventions sont concernées et quelle origine indiquer.

 

 

1 Quelles inventions sont concernées ?

 

À se reporter aux objectifs de la Convention, ce sont les inventions « découlant de l’exploitation des ressources génétiques »[14], ce qui n’est pas sans rappeler une notion du droit des brevets ;

La Convention de Munich et le Code de la Propriété Intellectuelle conditionnent en effet, l’activité inventive à ce que l’invention « ne découle pas »[15] de manière évidente à la date du dépôt de la demande de brevet de l’état de la technique ;

Mais les référentiels en cause sont différents. Pour les ressources génétiques dont il est question dans la CDB, peu importe qu’elles soient ou non rendues accessibles au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen[16]. Si elles l’ont été, leur appartenance à l’état de la technique aura certes une conséquence sur la brevetabilité de l’invention si cette dernière ne répond pas par ailleurs au critère de l’absence d’évidence posée par la Convention de Munich et le Code de la Propriété Intellectuelle, mais cette appartenance n’exclura pas leur soumission aux règles posées par la CDB sous réserve de son application dans le temps, problématique qui dépasse largement le cadre de cet article.

Remarquons également que si l’accès à ces ressources génétiques doit encore être demandé, il est difficilement concevable que ces ressources, compte tenu de leur définition comme il sera dit plus avant, puissent être incluses dans l’état de la technique.

Il s’agit ici dans la CDB d’inventions dites de « biotechnologies »[17] définies comme « toute application technologique qui utilise des systèmes biologiques, des organismes vivants, ou des dérivés de ceux-ci, pour réaliser ou modifier ou des procédés à usage spécifique »[18] mais les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse en ajoutant des conditions supplémentaires vont réduire le nombre des inventions concernées.

Le Traité en ce qu’il a mis en place le système multilatéral, concerne différemment les inventions biotechnologiques.

1.1 Les inventions de biotechnologies découlant de l’exploitation des ressources génétiques

 

Les inventions concernées sont toutes les inventions de biotechnologies aussi bien celles de produits que celles de procédés ou encore celles d’applications qui sont susceptibles d’être concernées, quand elles « découlent » des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés à la biodiversité, dont les domaines sont largement définis par la CDB.

C’est-à-dire un champ particulièrement étendu au regard des définitions qui en sont données par la CDB.

1.1.1 Les ressources génétiques englobent les différentes formes de vie.

La Convention sur la diversité biologique et les lignes directrices de Bonn, d’une part et le Traité[19], d’autre part donnent des définitions semblables à ceci prêt que « les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture » visent des ressources génétiques quand celles-ci sont d’origine végétale[20];

« Les ressources génétiques » sont définies comme « le matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle », le matériel génétique étant le « matériel d’origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité »[21] .

Ni la CDB ni le Traité ne définissent ce qu’il faut entendre par « des unités fonctionnelles de l’hérédité », il ne s’agit certainement pas de limiter les ressources génétiques aux seuls génomes et gènes qui eux font l’objet de recommandations particulières à l’annexe1 de la CDB et dont le seul séquençage est aujourd’hui sans doute difficilement brevetable au regard du critère d’application industrielle ou de la suffisance de description.

Compte tenu de la généralité de la définition de l’origine du matériel en cause, ne faudrait-il pas admettre que les ressources génétiques recouvrent les différents aspects que la vie peut prendre sur Terre[22] sous réserve que certains de ces aspects n’existent que sur des Etats non parties à la Convention ?

1.1.2 Les savoirs traditionnels fondés sur des ressources biologiques

Les savoirs traditionnels se distinguent des ressources génétiques en ce qu’ils constituent des productions humaines : des « connaissances, innovations et pratiques » mais dont la diffusion est limitées à des « communautés autochtones et locales »[23].

Ces savoirs traditionnels ne bénéficient de la CDB que s’ils « intéressent la conservation de la diversité biologique et la gestion durable de ses éléments »[24]. Les ressources biologiques sont définies bien plus largement que les ressources génétiques puisqu’elles les incluent et que leur définition ajoute « les organismes ou éléments de ceux-ci, les populations ou tout autre élément biotique des écosystèmes ayant une utilisation ou une valeur effective potentielle pour l’humanité »[25].

Le Traité prévoit une disposition analogue en ce qui concerne « les connaissances traditionnelles présentant un intérêt pour les ressources phytogénétiques l’alimentation et l’agriculture »[26].

C’est essentiellement au regard de ces savoirs traditionnels que la qualification de bio-piratage a été employé à l’encontre des dépôts de brevets qui probablement d’ailleurs ne respectaient pas les exigences de nouveauté et d’activité inventive [27].

1.2 Les inventions réalisées à partir d’informations obtenues du « système multilatéral ».

Les Etats signataires du Traité peuvent placer tout ou partie de leurs ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, c’est-à-dire notamment certaines espèces végétales, dans le système multilatéral mis en place par les articles 10 et suivants.

Les inventions concernées ici sont celles qui ont été réalisées à partir d’informations obtenues par l’accès au système multilatéral.

1.3 L’Union Européenne dans le cadre de l’OMPI et la Suisse pour la modification du traité PCT ont proposé que l’invention soit « directement fondée » sur les ressources

 

Aussi bien la proposition de l’Union Européenne dans le cadre de l’OMPI que celle de la Suisse pour la modification du traité PCT se réfèrent aux définitions de la Convention en rappelant que celles du Traité sont synonymes.

Pour les ressources génétiques par renvoi à l’article 2 de la CDB et pour les savoirs traditionnels de l’article 8 de la CDP, c’est-à-dire les connaissances, innovations et pratiques traditionnelles : le texte de l’Union européenne et celui de la Suisse proposent que l’invention soit « directement fondée » sur ceux-ci.

L’Union Européenne précise «  que l’inventeur doit avoir eu physiquement accès » à la source, en expliquant que cela « suppose sa possession ou du moins un contact suffisant pour y identifier les propriétés utiles pour l’invention »[28].

La proposition Suisse dans le cadre du traité PCT ne reprend pas expressément ces développements sur le contact physique, elle se limite à indiquer à propos de l’expression «directement fondée sur », « que la condition est clairement remplie si une invention utilise directement la ressource génétique ou les savoirs, les innovations et les pratiques »[29].

Mais la contribution de Monsieur Girsberger du Service juridique, Brevets et Designs de l’institut fédéral de la propriété intellectuelle sur les questions de divulgation de l’origine dans les brevets précise «  Dès lors, l’invention doit faire un usage immédiat de la ressource génétique, c’est-à-dire qu’elle doit dépendre des propriétés particulières de cette ressource, et l’inventeur doit avoir un accès physique[30] à ladite ressource, c’est-à-dire qu’il doit être en mesure de déterminer les propriétés de la ressource génétique sont utiles pour l’intention. En ce qui concerne les savoirs traditionnels, l’inventeur devrait savoir que l’invention est directement fondée sur ces savoirs, c’est-à-dire que l’inventeur doit consciemment déduire l’invention de ces savoirs »[31].

2 Quelle origine indiquée ?

 

La Convention et le Traité n’accordent qu’à l’Etat d’origine le contrôle de l’accès à ses ressources génétiques et n’envisagent comme origine que celle d’un Etat partie ou celle du système multilatéral mais les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse prévoient la possibilité d’indiquer d’autres sources.

 

2.1 L’origine selon la CDB: l’origine géographique, celle d’un Etat partie à la Convention.

 

L’accès aux ressources génétiques est donné par « les pays d’origine de ces ressources ou » par  des pays parties à la convention, « qui les ont acquises conformément à la présente convention »[32].

Il faut rappeler que le consentement à l’accès aux ressources de l’Etat d’origine ou de l’Etat qui les a acquis licitement, doit être préalable et en connaissance de cause[33] [34].

Seuls également les Etats parties à la Conventions sont les bénéficiaires des avantages de l’exploitation[35].

2.1.1 L’Etat qui possède ces ressources génétiques dans des conditions in situ

La définition donnée à l’article 2 limite les pays d’origine des ressources génétiques aux pays qui possèdent ces ressources génétiques dans des conditions in situ ; c’est-à-dire des Etats parties de la Convention et caractérisés par « l’existence de ressources génétiques au sein d’écosystèmes et d’habitats naturels et, dans le cas des espèces domestiquées et cultivées, dans le milieu où se sont développés leurs caractères distinctifs »[36].

Ainsi ce sont les Etats bénéficiaires de ces conditions « in situ » qui contrôlent l’accès à ces ressources et les règlementent comme pour n’importe quelle richesse présente sur leur territoire.

2.1.2 Un État partie à la CDB qui les a acquis conformément à ses dispositions.

La Convention envisage que des Etats autres que ceux qui détiennent ces ressources génétiques in situ, puissent en donner valablement l’accès, s’ils les ont acquis conformément aux dispositions conventionnelles.

Cette situation peut bien évidemment multiplier le nombre d’intervenants auprès desquels l’accès peut-être est obtenu[37].

2.1.3 L’accord des communautés autochtones et locales n’est pas prévu pour l’accès aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques .

La Convention sur diversité biologique n’a reconnu comme partie à la convention que les Etats.

L’accord des communautés autochtones et locales pour l’accès à leur savoir traditionnel n’est prévu que de manière indirecte, cette question appartient au droit interne des Etats avec un tempérament : l’Etat partie de la Convention doit respecter dans sa législation nationale « les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent les modes de vie traditionnels » et l’accord et la participation de leurs « dépositaires »[38].

2.2 Le dépôt de brevet sur toutes informations issues du système multilatéral est interdit

Toute prise de brevet est interdite pour des informations obtenues par l’accès au système multilatéral. Cette interdiction est générale et elle s’applique à tout droit de propriété intellectuelle ou tout autre droit limitant l’accès facilité aux ressources[39].

Par conséquent, une invention qui a été réalisée à partir d’informations obtenues par accès au système multilatéral ne devrait pas pouvoir faire l’objet d’un brevet.

De plus, le système multilatéral ne permettant un accès facilité aux ressortissants des Etats signataires « lorsqu’il a pour seule fin la conservation et l’utilisation pour la recherche, la sélection et la formation pour l’alimentation et l’agriculture »[40], l’emploi de ces informations pour d’autres buts serait illicite.

2.3 Les autres sources envisagées par les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse

 

Au sens de la CDB et du Traité, l’origine des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés n’est que géographique et elle ne pouvait être que celle de :

– l’Etat qui les détient in situ, c’est à dire le pays d’origine,

– mais aussi un Etat qui les détient licitement sans être l’Etat d’origine,

– ou le système multilatéral,

Par ailleurs, la Convention prévoit le prélèvement d’échantillons ou d’autres techniques des éléments constitutifs de la diversité biologique[41], la description des gènes et des génomes[42], et plus généralement la conservation et la structuration des données « résultant des activités d’identification et de surveillance entreprises »[43].

Aussi bien le projet suisse de modification du traité PCT que la proposition européenne auprès de l’OMPI ont envisagé que l’origine pouvait être une source autre que celle de l’origine géographique étatique ou celle du système multilatéral.

Aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels d’un Etat partie à la CDB, ces 2 textes proposent d’ajouter d’autres sources.

Dans la proposition de l’Union Européenne le terme source « désigne toute source autre que le pays d’origine, auprès de laquelle le déposant à eu accès aux ressources génétiques, par exemple un centre de recherche, une banque de gènes ou un jardin botanique »[44].

A cette liste, la Suisse ajoute « aussi toute autre ressource telle que les publications dans des revues ou des livres scientifiques » et de préciser que « cela peut être le cas, par exemple, lorsque les savoirs, les innovations et les pratiques de communautés autochtones et locales ont été trouvées dans une revue scientifique »[45], « les bases de données sur les savoirs traditionnels ou les collections ex situ de ressources génétiques » et aussi « la région, la communauté ou la personne physique qui a fourni les savoirs, les innovations et les pratiques »[46].

2.4 Les sources en cascades

Les deux propositions n’écartent pas le risque de cascades[47] de sources primaires et secondaires ;

Il est envisagé que « la déclaration de la source secondaire, « revue scientifique », serait insuffisante en l’occurrence ; il faudra aussi déclarer la communauté locale comme source première »[48].

Autre exemple tiré du projet de l’union Européenne : « le déposant indique que l’invention est directement fondée sur des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels » tout en déclarant que « le pays d’origine et la source lui sont inconnus »[49] .

On peut aussi imaginer que la multiplication des sources ôte toute pertinence à une origine particulière ;

Les procédés de l’ingénierie génétique visent justement à créer des séquences génétiques qui n’existent pas à l’état naturel. Certaines inventions nécessitent certes une sélection de bactéries naturelles qui présentent déjà certaines qualités ; la tâche de l’ingénieur consiste à sélectionner les fragments génétiques pertinents de cette bactérie pour ensuite les combiner avec d’autres segments de matériels génétiques ou encore à les placer dans des hôtes bactériens le plus souvent totalement transformés par rapport à ceux existants dans la nature et à déterminer les conditions particulières de cultures qui n’ont rien à voir avec des conditions naturelles afin de synthétiser telle ou telle protéine ou de participer à tel ou tel procédé de synthèse chimique ou biologique.

2.5 La déclaration du déposant et l’information de l’Etat d’origine dans les propositions de l’Union Européenne et de la Suisse

Dans ces 2 projets, la déclaration de l’origine devrait être faite au moment du dépôt de la demande de brevet ;

Si le déposant répond par la négative à la question de savoir si l’invention est directement fondée sur des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels, il n’aura pas à répondre à d’autres questions. S’il répond par l’affirmative et si sa réponse n’est pas complète, l’examen de sa demande sera suspendue, selon la proposition de l’Union Européenne[50].

En cas d’informations incorrectes ou incomplètes, la proposition européenne précise qu’il ne devrait pas y avoir d’effet « sur la validité du brevet délivré ni sur son opposabilité » et de renvoyer aux Etats contractants la détermination « des moyens » et la « graduation » de ces sanctions.

La proposition suisse se référant aux dispositions du PCT renvoie également cette question à la législation nationale mais avec une conclusion opposée puisque cette proposition conclut qu’une législation peut prévoir que « la validité d’un brevet délivré est remise en cause si la source n’est pas déclarée ou l’est incorrectement et si ces manquements relèvent d’une intention frauduleuse »[51].

Cette déclaration serait transmise par l’Office auprès de l’État dont l’origine a été indiquée[52] ou auprès du Centre d’échange de la CDB[53]. Ces projets supposent par conséquent, une parfaite connaissance des origines étatiques des sources.

Les propositions de la Suisse et de l’Union Européenne n’ont pas encore abouti à des modifications des traités internationaux sur les brevets.

Comme on l’a dit ci-dessus, les lois françaises de transposition de la directive n’ont pas prévu cette indication d’origine dans la demande de brevet.

Pourtant le déposant français ne peut pas ignorer les dispositions de la Convention et du Traité ;

La France les ayant ratifiés, lors de l’exploitation de son invention, si celles-ci entraient dans les prévisions de ces textes internationaux, il risquerait de se les[54] voir opposer ce qui ne serait pas sans incidence au regard des garanties à accorder à ces cocontractants sur le territoire français.

Lors de l’extension de sa demande à l’étranger, certains Etats ont déjà introduit dans leur législation nationale sur les brevets le caractère contraignant de l’indication d’origine et ce ne sont pas que des pays lointains.

La Belgique par la loi du 28 avril 2005[55] a rendu obligatoire « la mention de l’origine géographique de la matière biologique[56] à partir de laquelle l’invention a été développée » mais elle a renvoyé sa mise en œuvre à des actes réglementaires ultérieurs.

Philippe Schmitt

Avocat à Paris


[1] Considérant 26

[2] Considérant 27

[3] Loi du 6 août 2004 et loi du 8 décembre 2004

[4] Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture signé à Rome le 6 juin 2002. Ce traité est généralement désigné par TI-RPGAA

[5] Convention sur la diversité biologique adoptée à Rio de Janeiro le 22 mai 1992. Cette convention a été signée par la France le 13 juin 1992. Voir le Décret n° 95-140 du 6 février 1995 portant publication de la convention.

[6] Le traité est entré en vigueur le 9 octobre 2005. Voir le Décret n° 2005-1374 du 28 octobre 2005.

[7] « Lignes directrices de Bonn sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages résultant de leur utilisation ». Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique . www.biodiv.org

[8] Autre objectif de la Convention sur la diversité biologique

[9] Voir plus récemment encore « Organisation Mondiale du Commerce. l’article 27.3 b). La relation entre l’accord sur les ADPIC et la CDB, et la protection des savoirs traditionnels et du folklore. Communication des Etats-Unis. IP/C/W/469. 13 mars 2006.

[10] Voir récemment : 13 juin 2006 « Accord sur les ADPIC: des pays en développement préconisent l’introduction de prescriptions sur la divulgation de l’origine » par Tove Iren S. Gerhasen. http://www.ip-watch.org/weblog/index.php?p=328&res=1280&print=0.

[11] Groupe de travail sur la réforme du traité de coopération en matière de brevets ( PCT), cinquième session, Genève 17 – 21 novembre 2003. PCT/R/WG/5/11

[12] OMPI. Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore, huitième à session, Genève, 6-10 juin 2005. WIPO/GRTKF/IC/8/11.

[13] Jean-Frédéric Morin «  la divulgation de l’origine des ressources génétiques : une contribution du droit des brevets à la protection de l’environnement » cite l’Afrique du Sud, la Bolivie, le Brésil, la Chine, le Costa Rica, la Colombie, l’Equateur, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, Mexique, la Malaisie, le Pérou, les Philippines et le Venezuela.

[14] Article 1er de la CDB

[15] Article 56 de la Convention de Munich et article L. 611 – 14 du C. P. I.

[16] Voir l’article 54 de la Convention de Munich et l’article L. 611 – 11 du C. P. I.

[17] Article 16.1 de la CDB

[18] Article 2 de la CDB

[19] Le Traité est également indiqué ici parce qu’il n’a pas sorti du régime de la CDB les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture

[20] « Le matériel génétique désigne le matériel d’origine végétale, y compris le matériel de reproduction et de multiplication végétative, contenant des unités fonctionnelles de l’hérédité » article 2 du Traité.

[21] Article 2 de la CDB

[22] L’article 2 de la CDB associe également à la diversité biologique « la variabilité des organismes vivants de toutes origines y comprises entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes »

[23] Voir notamment l’article 8.J de la CDB

[24] Voir en ce sens le préambule de la CDB

[25] Article 2 de la CDB

[26] Article 9.2.a) du Traité

[27] Organisation mondiale du commerce. Analyse de cas éventuel de piratage biologique. Communication du Pérou. 7 novembre 2005. IP/C/W/458

[28] Pages 3 et 6 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[29] Page 13du document précité PCT/R/WG/5/11

[30] Mots soulignés par nous

[31] « La divulgation de la source des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les demandes de brevets » contribution de Martin A. Girsberger, co-chef, Service juridique, Brevets et designs, Institut fédéral de la propriété intellectuelle, Suisse. Sous la référence « Atelier international d’experts sur l’accès aux ressources génétiques est le partage des avantages résultant de leur utilisation. III Les aspects particuliers à examiner dans l’élaboration du régime international : l’interface avec le système actuel de propriété intellectuelle et les limites et possibilités pour les droits de propriété intellectuelle existants ». Accessible notamment à http://www.canmexworkshop.com/documents/french/III.1.1.pdf

[32] Article 15.3 de la CDB

[33] Article 15.5 de la CDB

[34] Eventuellement cet accord pourra préciser le libellé sous lequel l’origine des ressources génétiques sera indiquée, mais cela la Convention ne le prévoit pas puisque « le pouvoir de déterminer l’accès » appartient aux législations nationales voir l’article 15.1 de la CDB

[35] Article 19 de la CDB. Le Traité prévoit également des avantages pour le système multilatéral

[36] 3ème alinéa de l’article 2 de la CDB

[37] Même si le paragraphe 6 de l’article 15 prévoit « que chaque Partie contractante s’efforce de développer et d’effectuer des recherches scientifiques fondées sur les ressources génétiques fournies par d’autres Parties contractantes avec la pleine participation de ces Parties, et dans la mesure du possible sur leur territoire »

[38] Article 8j de la CDB

[39] Article 12. 3. d) du Traité

[40] Article 12.3.a) du Traité

[41] Articles 6 et 7 de la CDB

[42] Annexe 1 de la CDB

[43] Article 7 d de la CDB

[44] Page 3 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[45] Voir la note 15 en page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[46] Page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[47] Voir ce terme dans la contribution précitée de M. Girsberger

[48] Page 12 du document précité PCT/R/WG/5/11

[49] Page 4 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[50] Page 4 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[51] Page 14 du document précité PCT/R/WG/5/11

[52] La proposition suisse envisage que les destinataires pourraient être « le correspondant national pour l’accès et le partage des avantages, dont le rôle est indiqué au paragraphe 13 des Lignes directrices de Bonn», et de proposer à l’OMPI d’envisager, en étroite collaboration avec la CDB, « la création d’une liste d’organismes gouvernementaux compétents pour recevoir ce type d’information »

[53] Page 6 du document précité WIPO/GRTKF/IC/8/11

[54] L’examen des circonstances dans lesquelles des personnes privées pourraient se voir opposer une convention internationale dont les Etats sont les seules parties, dépasse largement le cadre de cet article

[55] Loi modifiant la loi du 28 mars 1984 sur les brevets d’invention, en ce qui concerne la brevetabilité des inventions biotechnologiques. Moniteur belge 13 mai 2005, p. 22852 et suivantes

[56] L’article 2 de cette loi donne la définition de la matière biologique de l’article 2 de la directive : « une matière contenant des informations génétiques et qui est autoreproductibles ou reproductible dans un système biologique». La loi du 28 avril 2005 a complété également la loi du 28 mars 1984 en la soumettant aux textes internationaux dont la Convention sur la diversité biologique conclue