La France est une République, et la République a comme  nom la France, le constater et l’appliquer au droit des marques et aux noms de domaine est la tâche accomplie par la Cour de Paris par son arrêt du 22 septembre 2017.

Brièvement les faits singuliers à l’origine de l’affaire

Un litige naît entre deux sociétés. Aucune  n’est française. Une société américaine face à une société hollandaise. Les cinq marques françaises et les quatre marques européennes de la société hollandaises qui portent sur les mots France .com avec un dessin stylisé évoquant l’hexagone, sont contestées par la société américaine qui a le nom de domaine France.com . Indiquons que cette société américaine a comme dénomination sociale France .com , que la société hollandaise intervient dans le secteur du tourisme, et que les marques couvrent de très nombreux produits et services  sans se limiter aux activités de tourisme.

La société américaine saisit le Tribunal de grande instance de Paris d’une action en dépôts frauduleux.  Si un accord semble intervenir entre ces deux sociétés, puisque les marques  sont cédées à la société américaine et que celle-ci abandonne son action, l’Etat française  et Atout France, l’Agence de développement touristique de la France qui est l’opérateur de l’État dans le secteur du tourisme, interviennent pour demander le transfert à leur bénéfice des marques et du nom de domaine France.com .

Le jugement du 27 novembre 2015 ordonne ce transfert au bénéfice de l’Etat français.

Sur l’appel de la société américaine, la Cour d’appel de Paris rend son arrêt le 22 septembre 2017.

  • La Cour annule les marques françaises dont le Tribunal avait ordonné le transfert à l’Etat français

Ne sont repris ici que les développements de l’arrêt relatifs à l’annulation de ces marques françaises. Pour les marques européennes, l’Etat français doit engager ses actions en annulation devant l’EUIPO.

Considérant que contrairement à ce que soutient l’appelante, l’appellation « France » constitue pour l’Etat français un élément d’identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique ; que ce terme désigne le territoire national dans son identité économique, géographique, historique, politique et culturelle, laquelle a notamment vocation à promouvoir l’ensemble des produits et services visés aux dépôts des marques considérées ; que le suffixe .com correspondant à une extension internet de nom de domaine n’est pas de nature à modifier la perception du signe ;

Considérant ainsi, que le grand public identifiera ces produits et services comme émanant de l’Etat français ou à tout le moins d’un service officiel bénéficiant de la caution de l’Etat français ; que le risque de confusion est en outre renforcé par la représentation stylisée des frontières géographiques de la France dans les marques complexes en cause ;

Considérant qu’il convient en conséquence d’annuler les marques françaises France.com n°3661596, n°3661598, n°3661602, n°3661600 et n°3661603 déposées le 2 juillet 2009 pour l’ensemble des produits et services visés aux dépôts

  • Le transfert du nom de domaine est confirmé

Considérant que l’argument de l’appelante selon lequel l’Etat français, qui dispose d’autres adresses internet, « n’a pas besoin » du nom de domaine france.com est inopérant ;

Considérant que pour des motifs identiques à ceux déjà exposés, ce nom de domaine permettant d’accéder à un site internet dédié au tourisme en France, porte atteinte à l’appellation « France » qui constitue pour l’Etat français un élément de son identité ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de transfert au profit de l’intimé, la bonne foi invoquée par la société France.com, à la supposer établie, étant ici inopérante ;

  • Point essentiel de cette décision, ces transferts sont ordonnés indépendamment d’une quelconque concurrence effective et réelle comme l’indique la Cour à propos de la demande d’ Atout France

Considérant que le GIE Atout France, qui indique être investi par l’Etat français d’une mission officielle de promotion du tourisme en France reproche à la société France.com « une forme de concurrence déloyale » qui consisterait à exploiter de mauvaise foi (sic) un site internet qui « handicape inutilement sa mission » ;

Considérant toutefois, qu’au-delà de ses affirmations ou suppositions, le GIE Atout France, ne démontre l’existence d’aucun acte de concurrence déloyale commis à son encontre par cette dernière ; que revendiquant une mission de service public, il ne démontre notamment pas le détournement de clientèle qu’il prétend subir ni encore une quelconque atteinte à son image autrement que par l’incrimination de la réservation du nom de domaine ou des marques en litige, pas plus en tout état de cause que la réalité du préjudice qu’il invoque ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande formée au titre de la concurrence déloyale ;