L’Intelligence artificielle est déjà réglementée dans le domaine médical

De multiples dispositifs d’aide et d’assistance au diagnostic sont mis à la disposition du monde médical. De tel logiciels sont-ils soumis à la réglementation applicable aux dispositifs médicaux même si ces logiciels n’agissent pas directement dans ou sur le corps humain ?

Dans un contexte particulier où un fabricant d’un tel logiciel et son syndicat professionnel contestent l’application à un tel logiciel d’une certification particulière exigée par la loi française puisque déjà conforme selon eux au régime des dispositifs médicaux de la directive, la Cour de justice se prononce sur l’application à un tel logiciel de la réglementation applicable aux dispositifs médicaux que ces logiciels agissent ou non directement sur le corps humain. L’arrêt est du 7 décembre 2018. L’arrêt

  • La disposition française dont le fabricant et son syndicat demandent qu’elle soit écartée : l’article L161-38 du Code de la sécurité sociale prévoit une procédure de certification particulière pour les logiciels d’aide à la prescription médicale.
  1. ― La Haute Autorité de santé établit la procédure de certification des sites informatiques dédiés à la santé.

I bis.-Elle est chargée de l’agrément des bases de données sur les médicaments, les dispositifs médicaux et les prestations associées destinées à l’usage des logiciels d’aide à la prescription médicale et des logiciels d’aide à la dispensation mentionnés aux II et III, sur la base d’une charte de qualité qu’elle élabore.

  1. ― Elle établit également la procédure de certification des logiciels d’aide à la prescription médicale ayant respecté un ensemble de règles de bonne pratique. Elle veille à ce que les règles de bonne pratique spécifient que ces logiciels intègrent les recommandations et avis médico-économiques identifiés par la Haute Autorité de santé, permettent de prescrire directement en dénomination commune internationale, d’afficher les prix des produits de santé et des prestations éventuellement associées au moment de la prescription et le montant total de la prescription, d’indiquer l’appartenance d’un produit au répertoire des génériques ou à la liste de référence des groupes biologiques similaires et comportent une information relative à leur concepteur et à la nature de leur financement.

Cette procédure de certification participe à l’amélioration des pratiques de prescription des médicaments, des dispositifs médicaux et des prestations qui leur sont associées. Elle garantit la conformité des logiciels à des exigences minimales en termes de sécurité, de conformité et d’efficience de la prescription.

Elle garantit que ces logiciels informent les prescripteurs des conditions spécifiques de prescription ou de prise en charge des produits de santé et des prestations éventuellement associées, notamment en mettant à leur disposition le code prévu à l’article L. 165-5 pour les produits de la liste mentionnée à l’article L. 165-1 et en permettant son utilisation lors de la prescription. Elle garantit que ces logiciels intègrent les référentiels de prescription ou tout autre document relatif à la prescription dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Elle garantit que ces logiciels permettent l’accès aux services dématérialisés déployés par l’assurance maladie et dont la liste est fixée par arrêté des mêmes ministres.

III. ― La Haute Autorité de santé établit la procédure de certification des logiciels d’aide à la dispensation. Elle garantit que ces logiciels assurent la traduction des principes actifs des médicaments selon leur dénomination commune internationale recommandée par l’Organisation mondiale de la santé ou, à défaut, leur dénomination dans la pharmacopée européenne ou française. Cette procédure comprend également la certification des fonctions relatives à la délivrance des dispositifs médicaux et des prestations qui leur sont associées.

Cette procédure de certification participe à l’amélioration des pratiques de dispensation officinale ou de dispensation par les pharmacies à usage intérieur. Elle garantit la conformité des logiciels d’aide à la dispensation à des exigences minimales en termes de sécurité , de conformité et d’efficience de la dispensation et de la délivrance des dispositifs médicaux et des prestations qui leur sont associées.

  1. ― Les certifications prévues aux I à III sont mises en œuvre et délivrées par des organismes certificateurs accrédités par le Comité français d’accréditation ou par l’organisme compétent d’un autre Etat membre de l’Union européenne attestant du respect des règles de bonne pratique édictées par la Haute Autorité de santé.

Ces certifications sont rendues obligatoires pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à l’édition des prescriptions médicales ou une aide à la dispensation des médicaments dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er janvier 2015.

Ces certifications sont rendues obligatoires pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à la dispensation de médicaments par les pharmacies à usage intérieur, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er janvier 2018.

  1. – Sont rendues obligatoires, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er janvier 2021, les certifications prévues aux I à III pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnalités est de proposer une aide à l’édition des prescriptions médicales relatives à des dispositifs médicaux et à leurs prestations associées éventuelles ou une aide à la délivrance de ces produits et prestations associées.
  • L’article 1er de la directive 93/42 modifiée dont le fabricant et son syndicat demandent le bénéfice tel qu’analysé par la Cour de Justice le 7 décembre 2017

Un logiciel général n’est pas un dispositif médical, un logiciel est médical quand sa destination est spécifiquement médicale

24      À cet égard, il y a lieu de souligner que le libellé dudit article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42 a été modifié par l’article 2 de la directive 2007/47, dont le considérant 6 souligne qu’un logiciel en lui-même est un dispositif médical lorsqu’il est spécifiquement destiné par le fabricant à être utilisé dans un ou plusieurs des buts médicaux figurant dans la définition d’un dispositif médical. Ce considérant ajoute qu’un logiciel à usage général utilisé dans un environnement médical n’est pas un dispositif médical. Le législateur de l’Union a donc rendu sans équivoque le fait que, pour que des logiciels relèvent du champ d’application de la directive 93/42, il ne suffit pas qu’ils soient utilisés dans un contexte médical, mais il est encore nécessaire que leur destination, définie par leur fabricant, soit spécifiquement médicale (arrêt du 22 novembre 2012, Brain Products, C‑219/11, EU:C:2012:742, points16 et 17). Un logiciel qui ne remplirait pas cette condition ne pourrait tomber dans le champ d’application de cette directive que s’il constitue l’accessoire d’un dispositif médical, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de ladite directive. Un tel logiciel devrait être alors traité, aux fins de la même directive, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de celle-ci, comme un dispositif médical à part entière.

Un logiciel d’aide et d’assistance médical, ce qu’il est , ce qu’il n’est pas  

25      En l’occurrence, un logiciel qui procède au recoupement des données propres du patient avec les médicaments que le médecin envisage de prescrire et est, ainsi, capable de lui fournir, de manière automatisée, une analyse visant à détecter, notamment, les éventuelles contre‑indications, interactions médicamenteuses et posologies excessives, est utilisé à des fins de prévention, de contrôle, de traitement ou d’atténuation d’une maladie et poursuit en conséquence une finalité spécifiquement médicale, ce qui en fait un dispositif médical au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42.

26      Tel n’est en revanche pas le cas d’un logiciel qui, tout en ayant vocation à être utilisé dans un contexte médical, a pour finalité unique d’archiver, de collecter et de transmettre des données, comme un logiciel de stockage des données médicales du patient, un logiciel dont la fonction est limitée à indiquer au médecin traitant le nom du médicament générique associé à celui qu’il envisage de prescrire ou encore un logiciel destiné à faire état des contre-indications mentionnées par le fabricant de ce médicament dans sa notice d’utilisation.

27      S’agissant, deuxièmement, de la condition tenant à l’action produite, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si un logiciel qui n’agit pas par lui‑même dans ou sur le corps humain peut être un dispositif médical au sens de l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42.

28      À cet égard, il y a lieu de relever que, si cette disposition prévoit que l’action principale du dispositif médical « dans ou sur le corps humain » ne peut être obtenue exclusivement ni par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, elle n’exige pas qu’un tel dispositif agisse directement dans ou sur le corps humain.

29      Ainsi qu’il ressort du considérant 6 de la directive 2007/47 et du point 24 du présent arrêt, le législateur de l’Union a entendu se concentrer, pour qualifier un logiciel de dispositif médical, sur la finalité de son utilisation et non sur la manière dont est susceptible de se concrétiser l’effet qu’il est en mesure de produire sur ou dans le corps humain.

30      En outre, refuser à un dispositif n’agissant pas directement dans ou sur le corps humain la qualité de dispositif médical reviendrait en pratique à exclure du champ d’application de la directive 93/42 les logiciels qui sont spécifiquement destinés par le fabricant à être utilisés dans un ou plusieurs des buts médicaux figurant dans la définition d’un dispositif médical, alors que le législateur de l’Union a entendu, par la directive 2007/47, faire entrer de tels logiciels dans cette définition, que ceux-ci agissent ou non directement dans ou sur le corps humain.

31      L’ajout d’une telle condition risquerait en conséquence de priver l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de cette directive en partie de son effet utile.

32      Ainsi, il importe peu que, pour être qualifiés de dispositif médical, les logiciels agissent directement ou non sur le corps humain, l’essentiel étant que leur finalité soit spécifiquement l’une de celles visées au point 24 du présent arrêt.

Ce que dit la Cour de justice le 7 décembre 2017

L’article 1er, paragraphe 1, et l’article 1er, paragraphe 2, sous a), de la directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, telle que modifiée par la directive 2007/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 septembre 2007, doivent être interprétés en ce sens qu’un logiciel dont l’une des fonctionnalités permet l’exploitation de données propres à un patient, aux fins, notamment, de détecter les contre‑indications, les interactions médicamenteuses et les posologies excessives, constitue, pour ce qui est de cette fonctionnalité, un dispositif médical, au sens de ces dispositions, et ce même si un tel logiciel n’agit pas directement dans ou sur le corps humain.